Page:Say - Traité d’économie politique.djvu/366

Cette page a été validée par deux contributeurs.
365
DE LA DISTRIBUTION DES RICHESSES.

où la bonne éducation n’est pas indispensable. Cette qualité est un capital dont on doit retirer les intérêts, indépendamment des profits ordinaires de l’industrie.

S’il y a des faits qui paraissent contraires à ce principe, on peut les expliquer : les prêtres sont faiblement payés[1] ; cependant, lorsqu’une religion repose sur des dogmes très-compliqués, sur des histoires très-obscures, on ne peut exercer le ministère religieux sans de longues études et des exercices multipliés ; or, ces études, ces exercices, ne peuvent avoir lieu sans l’avance d’un capital : il semble donc qu’il faudrait, pour que la profession cléricale pût se perpétuer, que le traitement du prêtre payât l’intérêt du capital, indépendamment du salaire de sa peine auquel paraissent se borner les profits du bas clergé, surtout dans les pays catholiques. Mais qu’on prenne garde que c’est la société qui fait l’avance de ce capital, en entretenant et endoctrinant à ses frais des étudians en théologie, pris dans la classe des paysans et dans les familles qui sont hors d’état d’élever à leurs frais tous leurs enfans. Alors le peuple, qui a payé le capital, trouve des gens pour exercer cette industrie moyennant le simple salaire de leur travail, ou ce qui est nécessaire pour leur entretien ; et leur entretien ne comprend pas celui d’une famille.

Ces diverses considérations ont porté plusieurs auteurs recommandables[2] à penser qu’en ajoutant aux rétributions pécuniaires qu’obtiennent les travaux de l’industrie, les autres avantages qu’ils peuvent procurer, et en retranchant de ces rétributions la valeur des inconvéniens que les mêmes travaux entraînent, les profits qu’on peut y faire demeurent égaux entre eux. Ils se fondent sur ce que l’intérêt personnel excite tous les hommes à embrasser les occupations qui, au total, présentent le plus d’avantages ; ils prétendent que s’il y en avait qui parussent plus favorisées que les autres, on s’y porterait de préférence, et que la concurrence les ramènerait au taux commun. Mais dans la pratique les choses ne s’arrangent pas ainsi. Les hommes font rarement ce qu’ils veulent. Il y a des professions qui coûtent constamment la vie à ceux qui les exercent, comme celles de tailleur de grès, d’émouleur d’épingles, de vernisseur de faïences : il semble qu’il faudrait un énorme dédommagement pour un

  1. Je n’entends pas parler des gros bénéficiers dont le salaire s’élève très-haut, mais par des causes qui tiennent à l’ordre politique.
  2. Notamment M. Mac Culloch : Supplément à l’Encyclopedia Britannica, troisième partie, sect. 2.