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LIVRE SECOND. — CHAPITRE VI.

sur des superfluités, si l’on en déduit la valeur des marchandises qui ne se vendent pas, et celle des marchandises qui, s’étant bien vendues, ont été mal payées, on trouvera que ce genre de produits est celui qui donne au total les profits les plus médiocres. Les modistes les plus en vogue ont souvent fait banqueroute.

Les marchandises d’un usage général conviennent à un plus grand nombre de personnes, et ont cours dans la plupart des situations de la société. Un lustre ne peut trouver sa place que dans de grandes maisons, tandis qu’il n’est si chétif ménage où l’on ne trouve des chandeliers ; aussi la demande des chandeliers est-elle toujours ouverte, toujours plus active que celle des lustres, et, même dans le pays le plus opulent, il se produit pour une valeur bien plus grande de chandeliers que de lustres.

Les produits dont l’usage est le plus indispensable sont sans contredit les denrées qui nous servent d’alimens. Le besoin qu’on en a renaît chaque jour ; il n’y a pas de professions plus constamment employées que celles qui s’occupent de notre nourriture. Aussi, malgré la concurrence, est-ce dans ces professions que se font les profits les plus assurés[1]. Les bouchers, les boulangers, les charcutiers de Paris qui ont quelque esprit de conduite, se retirent tous plus ou moins promptement avec une fortune faite. J’ai ouï dire à un homme d’affaires très-employé, que la moitié des biens-fonds et des maisons qui se vendent dans Paris et aux environs, sont acquis par eux.

Les particuliers et les nations qui entendent leurs intérêts, à moins qu’ils n’aient des raisons très-fortes pour en agir autrement, préfèrent, en conséquence, se livrer à la production de ce que les marchands appellent les articles courans. M. Eden, qui négocia pour l’Angleterre, en 1786, le traité de commerce conclu par M. de Vergennes, se dirigea d’après ce principe, lorsqu’il demanda la libre introduction en France de la faïence commune d’Angleterre. « Quelques misérables douzaines d’assiettes que nous vous vendrons, disait l’agent anglais, seront un faible dédommagement pour les magnifiques services de porcelaine de Sèvres que

  1. Je ne parle ici que des entrepreneurs d’industrie ; le simple ouvrier ne participe que par contre-coup aux avantages d’une profession. Quant au fermier, qui est un entrepreneur d’industrie, et qui produit des denrées alimentaires, ses profits sont restreints par le désavantage de sa position. Il dépend trop de son propriétaire, de l’autorité publique, presque toujours fiscale et oppressive, et des vicissitudes de l’air, pour que son métier soit très-bon.