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DE LA DISTRIBUTION DES RICHESSES.

Cela suffit, je pense, pour mettre en garde contre la confusion qui pourrait naître de l’argent qu’on tire de son revenu, avec le revenu lui-même ; et il demeurera constant que le revenu d’un particulier, ou d’une nation, n’est point l’argent qu’ils reçoivent en échange des produits créés par eux, mais bien ces produits eux-mêmes ou leur valeur, qui est susceptible de se mettre, par la voie des échanges, sous forme de sacs d’écus, comme sous toute autre forme quelconque.

Toute valeur qu’on reçoit en argent ou autrement, et qui n’est pas le prix d’un produit créé dans l’année, ne fait point partie du revenu de cette année : c’est un capital, une propriété qui passe d’une main dans une autre, soit par un échange, par un don, ou par un héritage. Une portion de capital, une portion de revenu, peuvent être transmises, payées en effets mobiliers, en terres, en maisons, en marchandises, en argent ; la matière n’est pas ce qui nous occupe, et n’est point ce qui constitue la différence d’un fonds à un revenu : ce qui fait le revenu, c’est d’être le résultat, le produit d’un fonds de terre, d’un fonds capital, ou d’un travail industriel.

On demande quelquefois si la même valeur qu’on a reçue comme profit, comme revenu de ses terres, de ses capitaux ou de son industrie, peut servir à former le revenu d’une autre personne. Quand on a touché cent écus de son revenu, si, avec cette valeur acquise, on achète, par exemple, des livres, comment se fait-il que cette valeur-revenu, transformée en livres, et qui se consommera sous cette forme, serve pourtant à composer le revenu de l’imprimeur, du libraire, de tous ceux qui ont concouru à la confection des livres, revenu qu’ils consommeront de leur côté ?

Voici la solution de cette difficulté.

La valeur-revenu, fruit de mes terres, de mes capitaux ou de mon industrie, et que j’ai consommée sous forme de livres, n’est point la même que celle des livres. Il y a eu deux valeurs produites : 1o celle qui est sortie de mes terres, qui a été produite sous forme de blé par les soins de mon fermier, et qui a été échangée par celui-ci contre des écus qu’il m’a apportés ; 2o celle qui résulte de l’industrie et des capitaux du libraire, et qui a été produite sous forme de livres. Le libraire et moi nous avons échangé ces deux valeurs-revenus, et nous les avons consommées chacun de notre côté, après leur avoir fait subir les transformations qui convenaient à nos besoins.

Quant au producteur qui crée un produit immatériel, comme le méde-