Page:Say - Traité d’économie politique.djvu/347

Cette page a été validée par deux contributeurs.
346
LIVRE SECOND. — CHAPITRE IV.

Nos services productifs. En quoi consiste leur importance ? Qu’est-ce qui leur donne la valeur ? C’est la quantité des produits que nous recevons en échange, c’est-à-dire la quantité des produits qu’ils nous procurent. D’après les principes qui déterminent la valeur des choses, nos services ont donc d’autant plus de valeur qu’ils nous procurent non des produits plus chers, mais des produits en plus grande quantité. Or, des produits reçus en plus grande quantité, équivalent exactement à des produits qui sont à meilleur marché par rapport aux services dont ils sont les résultats. Pour présenter cet effet dans sa plus grande simplicité, si, possesseur d’un bien de campagne que je cultive avec mes propres capitaux, je recueille annuellement pour ma consommation une récolte double, ne suis-je pas plus riche que si je ne tire de mon bien que la moitié de ce produit ? Et comme l’importance du revenu fait l’importance du fonds, mon fonds ou l’ensemble de mes fonds productifs, c’est-à-dire ma terre, mon capital et mon travail, n’ont-ils pas pour ainsi dire grandi avec mon revenu, et ne suis-je pas devenu plus riche ?

C’est ainsi que se rattachent les principes relatifs aux revenus des particuliers avec la maxime, que les revenus des nations sont d’autant plus considérables, que les produits y sont à meilleur marché ; proposition qui, au premier abord, semble, mais n’est pas contradictoire avec celle qui fait consister la richesse dans la valeur des choses qu’on possède. Le fonds de notre fortune se compose de nos fonds productifs ; le premier revenu qui en sort, ce sont les services productifs. Lorsque peu de services suffisent pour procurer beaucoup de produits, ceux-ci sont à meilleur marché, non-seulement par rapport aux services qui les ont créés, mais par rapport aux revenus des autres particuliers. Or, des produits moins chers par rapport à tous les revenus, rendent tous les revenus plus considérables ; car on est d’autant plus riche que l’on peut acheter plus de choses.

Les mêmes principes nous font voir combien on a des idées peu justes de la richesse respective de deux nations quand on se contente de comparer la somme de leurs revenus. La plus riche est celle dont les revenus peuvent acheter le plus de choses. Son aisance dépend du rapport de deux quantités qui sont dans la nation même, et non de deux quantités dont l’une est en elle-même et l’autre en dehors. Pour avoir, je ne dis pas une comparaison exacte de l’aisance de deux nations (comparaison que je crois impossible), mais une estimation approximative de leur aisance respective, il faudrait pouvoir comparer la quantité de produits qu’on peut ob-