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DE LA DISTRIBUTION DES RICHESSES.

Je sais que l’augmentation du loyer des terres, que l’on remarque généralement, dépend aussi des progrès qui ont lieu dans les procédés de culture : le fermier qui parvient à tirer plus de produits du terrain, peut en payer un plus gros fermage, et le prix du fonds lui-même s’en accroît ; mais puisque le prix en argent de la plupart des autres objets va en augmentant, il est à présumer qu’une partie au moins du renchérissement des baux, est due à la dépréciation de l’argent lui-même ; et comme la même dénomination est actuellement, du moins en France, en Angleterre, en Espagne et ailleurs, conservée à la même quantité d’argent, les variations du prix nominal des choses donnent assez fidèlement la mesure des variations de leur prix en argent.

Il ne serait pas sans utilité de pouvoir présager les révolutions futures que subira la valeur des métaux précieux ; malheureusement une partie des événemens destinés à influer sur cette valeur, excèdent toute prévoyance humaine. Quelles nouvelles veines métalliques, quelles nouvelles mines seront découvertes ? M. de Humboldt affirme[1] que l’abondance de l’argent est telle, dans la chaîne des Andes, qu’en réfléchissant sur le nombre des gites de minerais qui sont restés intacts ou qui n’ont été que superficiellement exploités, on serait tenté de croire que les européens ont à peine commencé à jouir de leurs riches produits. D’heureux hasards, des progrès dans l’art de sonder, peuvent amener des découvertes capables de produire une révolution comparable à celle du seizième siècle. Les seuls progrès probables de l’art d’exploiter les mines peuvent diminuer à un très-haut point les frais de production. Il paraît, d’après le même auteur, que dans les mines les plus riches, des armées de mineurs sont encore occupées à transporter à dos d’homme le minerai, c’est-à-dire une matière qui ne contient pas un quart pour cent de métal[2] ; transport qui pourrait, si les puits et les galeries étaient bien disposés, être opéré dans des chariots par des animaux et même par des moteurs inanimés. Des économies pareilles pourraient avoir lieu dans presque toutes les autres parties de l’exploitation, et les frais de production être considérablement diminués.

On ne doit pas s’imaginer cependant que la valeur du produit diminuât autant que les frais de production, surtout si ces frais diminuaient par la découverte de nouveaux filons d’une puissance extraordinaire. À mesure

  1. Essai politique sur la Nouvelle-Espagne, in-8o, tome IV, page 149.
  2. Ibid., t. III, page 366.