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DE LA DISTRIBUTION DES RICHESSES.

coûte l’air ; tout le monde serait assez riche pour payer ce que coûteraient tous les produits imaginables : ce serait le comble de la richesse. Il n’y aurait plus d’économie politique ; on n’aurait plus besoin d’apprendre par quels moyens se forment les richesses : on les aurait toutes formées.

Quoiqu’il n’y ait pas de produits dont le prix soit tombé à rien et ne vaille pas plus que l’eau commune, il y en a néanmoins dont le prix a éprouvé des baisses prodigieuses, comme le combustible aux lieux où l’on a découvert des houillères ; et toute baisse analogue est sur le chemin de l’état d’abondance complète dont je viens de parler.

Si diverses choses ont baissé diversement, les unes plus, les autres moins, il est évident qu’elles ont dû varier dans leurs valeurs réciproques. Celle qui a baissé, comme les bas, a changé de valeur relativement à celle qui n’a pas baissé, comme la viande ; et celles qui ont baissé autant l’une que l’autre, comme les bas et le sucre dans notre supposition, quoiqu’elles aient changé de valeur réelle, n’ont pas changé de valeur relative.

Telle est la différence qu’il y a entre les variations réelles et les variations relatives. Les premières sont celles où la valeur des choses change avec les frais de leur production ; les secondes sont celles où la valeur des choses change par rapport à la valeur des autres marchandises.

Les baisses réelles sont favorables aux acheteurs sans être défavorables aux vendeurs, et les hausses réelles produisent un effet opposé ; mais dans les variations relatives, ce que le vendeur gagne est perdu par l’acheteur, et réciproquement. Un marchand qui a dans ses magasins cent milliers de laines à un franc la livre, possède cent mille francs : si, par l’effet d’un besoin extraordinaire, les laines montent à deux francs la livre, cette portion de sa fortune doublera ; mais toutes les marchandises appelées à s’échanger contre de la laine perdront autant de leur valeur relative que la laine en a gagné. En effet, celui qui a besoin de cent livres de laine, et qui aurait pu les obtenir en vendant quatre setiers de froment, pour cent francs, sera désormais obligé d’en vendre huit. Il perdra les cent francs que gagnera le marchand de laine ; la nation n’en sera ni plus pauvre ni plus riche[1].

  1. Le comte de Lauderdale a publié en 1807 un livre intitulé : Recherches sur la nature et l’origine de la richesse publique, et sur les causes qui concourent à son accroissement. Il est tout entier fondé sur cette proposition erronée, que la disette d’une denrée qui diminue les ressources de la société, prise en masse, augmente celle des particuliers, en augmentant la valeur de cette denrée entre les mains de ceux qui en possèdent. L’auteur en tire la fausse conséquence que les principes de la richesse générale sont différens des principes de la richesse des particuliers. Il ne s’aperçoit pas que chaque fois qu’un acheteur est obligé, pour acquérir une chose, de sacrifier une plus grande valeur, il perd autant que le vendeur gagne ; et que toute opération qui tend à procurer des gains de ce genre, fait perdre aux uns ce qu’elle fait gagner aux autres.

    Il fonde aussi cette prétendue diversité entre la richesse publique et les richesses privées, sur ce que l’accumulation des capitaux, qui est favorable aux richesses des particuliers, est funeste à la richesse nationale, en nuisant à la consommation qui encourage l’industrie. Son erreur vient de ce qu’il s’imagine faussement, avec beaucoup d’autres, qu’un capital accumulé est soustrait à la consommation ; tandis qu’au contraire il est consommé, mais reproductivement, et qu’il procure ainsi le moyen de recommencer à perpétuité des achats qui n’auraient eu lieu qu’une fois, s’il eut été consommé improductivement. (Voyez le livre III de cet ouvrage-ci.) C’est ainsi qu’un seul principe établi fait crouler tout un livre ; celui dont je parle dans cette note porte sur une fausse base, et embrouille les idées au lieu de les éclaircir.