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LIVRE PREMIER. — CHAPITRE XXX.

qu’un contrôle illusoire, ni cette garantie, ni celle des lettres de change en porte-feuille, ne sont d’aucune valeur. En de tels pays il n’y a d’autre garantie que la politique du cabinet dirigeant, et il n’y a point de confiance qui ne soit une imprudence.

Une banque d’escompte, au moyen des avances qu’elle fait au commerce et des facilités qu’elle procure à la circulation, offre des avantages qu’on ne saurait contester, mais qui ont été exagérés par ignorance ou dans des vues d’intérêt personnel. Le lecteur a pu voir au chapitre XXVI, sur les papiers-monnaies, que dans la supposition même où l’instrument des échanges serait en entier de papier, et permettrait de disposer autrement de toutes les valeurs métalliques, un pays n’y gagnerait qu’une augmentation de capital égale à la somme des monnaies, laquelle est bornée par les besoins de la circulation, et ne forme qu’une médiocre portion des capitaux productifs d’une nation. Quant à la somme qu’un pays peut admettre en billets de confiance, loin d’égaler la somme des monnaies, elle n’en peut remplacer qu’une assez faible partie. Leur circulation n’est fondée que sur la confiance du public dans la solvabilité des banques ; or, la confiance du public est facile à s’alarmer. Les banques ont besoin d’être fort multipliées pour rapprocher les caisses de remboursement de tous les porteurs de billets. En Angleterre, les billets des banques de province n’ont pas cours hors de la province dont l’étendue n’est jamais considérable[1] ; en France, des succursales de la banque de France ont eu de la peine à faire passer dans la circulation des billets au porteur dans les villes considérables, centre d’un grand commerce, telles que Lyon et Rouen. Les réserves en monnaie métallique que la prudence les oblige de garder en caisse, et qui se montent quelquefois à un tiers ou moitié de leurs billets en circulation, sont un capital dormant qui borne d’autant la somme des capitaux qu’elles procurent à l’industrie. Enfin la valeur d’un billet au porteur ne peut se soutenir qu’autant qu’il reste dans la circulation des masses importantes de monnaies conservant une valeur propre supérieure à la valeur du métal dont elles sont faites ; or, des billets au porteur trop multipliés déprécient les monnaies en général ; et pour peu que la valeur d’un billet de mille francs tombe un peu plus bas que le métal qu’il donne le droit de recevoir, le public se précipite à la banque pour échanger un

  1. Les billets de la banque d’Angleterre, dont le siége est à Londres, ont eu cours dans toutes les îles Britanniques ; mais ce n’était pas en qualité de billets de confiance, c’était comme papier-monnaie. (Voyez-en les raisons au chap. 26.)