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DE LA PRODUCTION DES RICHESSES.

lets qui ont servi à faire cette avance. Ses billets n’ont plus été des billets de confiance ; ils ont eu un cours forcé. Le gouvernement ne pouvant lui fournir les moyens de les payer, l’en a dispensée[1].

Si une banque ne peut pas sans de graves inconvéniens faire des prêts en ses billets contre des obligations qui ne sont pas prochainement exigibles, elle peut y appliquer, avec de grands avantages pour le public, les capitaux de ses actionnaires, lorsqu’on les lui emprunte pour les employer à des usages reproductifs. Si la banque actuelle de France, au lieu de prêter au gouvernement d’alors son capital de 90 millions qui fut dissipé en conquêtes désastreuses, l’eût prêté sur de solides hypothèques à des propriétaires fonciers pour améliorer leurs terres, elle serait rentrée successivement dans ses avances, elle aurait fait des prêts semblables à d’autres propriétaires, et aurait ainsi fertilisé des provinces entières sans compromettre les capitaux de ses actionnaires qui n’ont, au lieu de cela, pour gage de leurs fonds, que la bonne volonté du gouvernement.

Toute banque émettant des billets de confiance, si elle est bien administrée et hors des atteintes du pouvoir, ne fait courir presqu’aucun risque aux porteurs de ces billets. Le plus grand malheur qui puisse leur arriver, en supposant qu’un défaut absolu de confiance fasse venir à la fois tous ses billets à remboursement, est d’être payés en bonnes lettres de change à courte échéance, avec la bonification de l’escompte, c’est-à-dire, d’être payés avec ces mêmes lettres de change que la banque a achetées au moyen de ses billets. Si la banque a un capital à elle, c’est une garantie de plus ; mais dans un pays soumis à un pouvoir sans contrôle, ou qui n’a

  1. Thornton, dans un écrit dont le but est de justifier cette suspension des paiemens de la banque d’Angleterre, attaque les principes de Smith. Il dit que la demande excessive de remboursemens de billets qui détermina la suspension, était causée, non par une trop grande émission, mais au contraire par le retirement d’une partie des billets. « Une réduction dans la masse des billets circulans, dit cet auteur, produit des faillites ; les faillites répandent la consternation, et la consternation fait courir à la banque pour avoir des guinées. » Ce sont des conséquences forcées, mises en avant pour soutenir un paradoxe. Quand un papier de confiance, par sa multiplication, a déprécié l’agent de la circulation, et, par suite, fait disparaître le numéraire métallique, c’est une folie de s’imaginer que l’agent de la circulation sera moins déprécié si on le multiplie davantage. Les billets de banque d’Angleterre ont, au contraire, conservé de la valeur, parce qu’on a mis un terme à leur multiplication au moment où ils remplissaient seuls l’office de monnaie.