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DISCOURS

fait plus : il a donné la vraie méthode de signaler les erreurs ; il a appliqué à l’économie politique la nouvelle manière de traiter les sciences, en ne recherchant pas ses principes abstractivement, mais en remontant des faits les plus constamment observés, aux lois générales dont ils sont une conséquence. De ce qu’un fait peut avoir telle cause, l’esprit de système conclut la cause : l’esprit d’analyse veut savoir pourquoi telle cause a produit cet effet, et s’assurer qu’il n’a pu être produit par aucune autre cause. L’ouvrage de Smith est une suite de démonstrations qui ont élevé plusieurs propositions au rang de principes incontestables, et en ont plongé un bien plus grand nombre dans ce gouffre où les idées vagues et hypothétiques, les imaginations extravagantes, se débattent un certain temps avant de s’engloutir pour toujours.

On a dit que Smith avait de grandes obligations à Steuart[1], qu’il n’a pas cité une seule fois, même pour le combattre. Je ne vois pas en quoi consistent ces obligations. Il a conçu son sujet bien autrement que Steuart ; il plane au-dessus d’un terrain où l’autre se traîne. Steuart a soutenu un système déjà embrassé par Colbert, adopté ensuite par tous les écrivains français et étrangers qui ont écrit sur le commerce jusqu’aux économistes du dix-huitième siècle, constamment suivi par la plupart des gouvernemens européens, et qui fait dépendre les richesses d’un pays, non du montant de ses productions, mais du montant de ses ventes à l’étranger. Smith a consacré une

  1. Auteur d’un Traité d’économie politique.