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DE LA PRODUCTION DES RICHESSES.

fallut déclarer l’état des caisses, il se trouva que sur ce dépôt on avait prêté, soit à la ville d’Amsterdam, soit à la compagnie des Indes, soit aux provinces de Hollande et de West-Frise, une somme de 10,624,793 florins, que ces corporations étaient hors d’état de restituer.

On pourrait craindre qu’un semblable dépôt fut moins respecté encore dans un pays où l’autorité publique s’exercerait sans responsabilité ni contrôle.

§ III. — Des Banques d’escompte, et des billets au porteur.

Il y a d’autres banques fondées sur des principes tout différens : ce sont des associations de capitalistes qui fournissent par actions des fonds avec lesquels elles font divers services utiles au public et dont elles retirent un profit. Leur principale opération consiste à escompter des lettres de change ; c’est-à-dire à en payer le montant par anticipation, en retenant un escompte ou intérêt proportionné à l’éloignement de leur échéance.

Si les banques d’escompte se bornaient à escompter des lettres de change à terme, au moyen seulement du capital de leurs actionnaires, les avances qu’elles pourraient faire se borneraient à l’étendue de ce capital. Elles en accroissent ordinairement la somme en mettant en circulation des billets au porteur, payables à vue, qui tiennent lieu de monnaie, aussi long-temps que le public leur accorde sa confiance et les reçoit comme argent comptant. Le public trouve dans cet arrangement des avances pour une somme plus forte, et la banque y gagne, outre l’intérêt des capitaux fournis par ses actionnaires, l’intérêt de ses billets en circulation. Il s’agit de savoir quelles sont les bornes de ce double avantage et l’abus qu’on en peut faire. C’est une des plus belles démonstrations de Smith ; mais elle n’a pas été comprise de tout le monde. Essayons de la rendre usuelle.

Quelle cause fait que le public accorde sa confiance aux billets d’une banque et les reçoit en paiement à l’égal de la monnaie ? C’est la persuasion où chacun est qu’il peut à chaque instant et sans peine les échanger, s’il veut, contre de la monnaie. Je dis sans peine, à chaque instant ; car autrement on préfèrerait la monnaie, puisque celle-ci a, pour celui qui la possède, sans qu’il se donne aucune peine, et à tous les instans, valeur de monnaie. Pour qu’il jouisse des mêmes avantages, il faut que la caisse où il peut toucher au besoin l’argent de ses billets, soit à la portée, et qu’elle ait les moyens de les acquitter à présentation. Pour les acquitter ainsi, il faut que la banque ait en sa possession, non-seulement des valeurs de