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DE LA PRODUCTION DES RICHESSES.

vues naître ; quelquefois même elles n’y ont plus cours ; et quoiqu’on ait tenu compte de ces circonstances dans la valeur courante qu’on leur attribue, elles n’en forment pas moins une monnaie assez décriée.

Les lettres de change tirées de l’étranger sur un tel pays, devant être payées avec cette monnaie devenue courante, se négocient en conséquence dans l’étranger avec quelque désavantage ; et celles qui sont tirées sur l’étranger, et par conséquent payables en monnaie dont la valeur est plus fixe et mieux connue, se négocient dans le pays à plus haut prix, en raison de ce que l’homme qui les acquiert ne peut donner en échange qu’une monnaie courante dégradée. En deux mots, la monnaie courante ne se compare et ne s’échange jamais contre la monnaie étrangère qu’avec désavantage.

Or, voici le remède imaginé par les petits états, dont il est ici question[1].

Ils ont établi des banques où chaque négociant a déposé, soit en monnaie de l’état bonne et valable, soit en lingots, soit en pièces étrangères qui y sont reçues comme lingots, une valeur quelconque exprimée en monnaie nationale ayant le titre et le poids voulus par la loi. La banque a en même temps ouvert un compte à chaque déposant, et a passé au crédit de ce compte la somme ainsi déposée. Lorsqu’un négociant a voulu ensuite faire un paiement, il a suffi, sans toucher au dépôt, de transporter le montant de la somme ou d’une portion de la somme, du compte d’un créancier de la banque à celui d’une autre personne. De cette façon les transports de valeurs ont pu se faire perpétuellement par un simple transfert sur les livres de la banque. Et remarquez qu’en toute cette opération, aucune monnaie n’étant transportée matériellement d’une main dans l’autre, la monnaie originairement déposée, la monnaie qui avait alors la valeur intrinsèque qu’elle devait avoir, la monnaie servant de gage à la créance qu’on transporte de l’un à l’autre, cette monnaie, dis-je, n’a pu subir aucune altération, soit par l’usure, soit par la friponnerie, soit même par la mobilité des lois.

  1. Il y a eu de ces établissemens à Venise, à Gênes, à Amsterdam, à Hambourg. La guerre, qui a bouleversé tant d’états, n’en a rien laissé subsister ; mais il peut être utile de faire connaître la nature de tels établissemens, qui peuvent se renouveler. On en comprendra mieux d’ailleurs l’histoire des pays qui les ont admis, et l’histoire du commerce en général ; enfin il fallait embrasser tous les moyens dont les hommes se sont avisés pour suppléer aux usages de la monnaie.