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LIVRE PREMIER. — CHAPITRE XXX.

des valeurs effectives en quantité suffisante pour solder ce qu’il a acheté, il les envoie à une troisième nation, qui les fait passer à la première en produits de son industrie. Comment acquittons-nous les chanvres et les bois de construction que nous tirons de Russie ? En envoyant des vins, des eaux-de-vie, des étoffes de soie, non-seulement en Russie, mais encore à Amsterdam, à Hambourg, qui, à leur tour, envoient en Russie des denrées coloniales et d’autres produits de leur commerce.

L’ambition ordinaire des gouvernemens est que les métaux précieux entrent pour le plus possible dans les envois de marchandises faits par les étrangers, et pour le moins possible dans les envois qu’on fait aux étrangers. J’ai déjà eu occasion de remarquer, en parlant de ce qu’on nomme improprement balance du commerce, que s’il convient au négociant de notre pays d’envoyer des métaux précieux dans l’étranger plutôt que toute autre marchandise, il est aussi de l’intérêt de notre pays que ce négociant en envoie ; car l’état ne gagne et ne perd que par le canal de ses citoyens ; et, par rapport à l’étranger, ce qui convient le mieux au citoyen, convient par conséquent mieux à la nation[1] ; ainsi, quand on met des entraves à l’exportation que les particuliers seraient tentés de faire de métaux précieux, on ne fait autre chose que les forcer à remplacer cet envoi par un autre moins profitable pour eux et pour l’état.

§ II. — des Banques de dépôts.

Les fréquentes communications d’un petit pays avec les pays environnans y versent perpétuellement des monnaies frappées par tous ses voisins. Ce n’est pas que le petit pays n’ait sa monnaie ; mais la nécessité de recevoir souvent en paiement des pièces étrangères, fait qu’on détermine, pour chacune d’elles, un certain taux basé sur le parti qu’en peut tirer le commerce, et suivant lequel on les reçoit communément.

L’usage de ces monnaies étrangères est accompagné de plusieurs inconvéniens : il y a une grande variété dans leur poids et dans leur qualité. Elles sont quelquefois très-anciennes, très-usées, très-rognées, n’ayant pas toujours participé aux refontes opérées dans le pays qui les a

  1. Qu’on fasse bien attention que je dis seulement dans ce qui a rapport au commerce avec l’étranger ; car les gains que font les négocians sur leurs compatriotes, par un monopole, ne sont pas en totalité des gains pour l’état. Dans le commerce entre compatriotes, il n’y a de gain pour tout le monde que la valeur d’une utilité produite.