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DE LA PRODUCTION DES RICHESSES.

agricoles, pouvaient réclamer des profits moindres que dans d’autres emplois, d’autant plus que, les anciens attachant plus d’honneur à l’exercice de l’industrie agricole qu’à celui des deux autres, les capitaux, de même que les travaux, devaient s’y porter avec plus de concurrence que vers les fabriques et le commerce.

Dans le moyen âge, où tous les arts ont tant dégénéré, la culture du blé s’est soutenue à un haut point de perfection qui n’est pas fort au-dessous de celui où nous la voyons actuellement.

De ces considérations je conclus que la valeur d’une même quantité de blé a dû être à peu près la même chez les anciens, dans le moyen âge, et de notre temps. Mais comme l’abondance des récoltes a toujours prodigieusement varié d’une année à l’autre, qu’il y a eu des famines dans un temps, et que les grains ont été donnés à vil prix dans un autre, il ne faut évaluer le grain que sur sa valeur moyenne, toutes les fois qu’on la prend pour base d’un calcul quelconque.

Voilà pour ce qui est de l’estimation des valeurs à des époques différentes.

Quant à leur estimation en deux endroits éloignés l’un de l’autre, elle n’est pas moins difficile. La nourriture la plus générale, et par conséquent celle dont la demande et la quantité restent plus communément dans une même proportion relative, varie d’un climat à l’autre. En Europe, c’est le blé ; en Asie, c’est le riz : la valeur d’une de ces denrées n’a aucun rapport en Asie et en Europe, la valeur du riz en Asie n’a même aucun rapport avec la valeur du blé en Europe. Le riz a incontestablement moins de valeur aux Indes que le blé parmi nous : sa culture est moins dispendieuse, ses récoltes sont doubles. C’est en partie ce qui fait que la main-d’œuvre est à si bon marché aux Indes et à la Chine.

La denrée alimentaire de l’usage le plus général est donc une mauvaise mesure des valeurs à de grandes distances. Les métaux précieux n’en sont pas une bien parfaite non plus : ils valent incontestablement moins en Amérique qu’ils ne valent en Europe, et incontestablement plus dans toute l’Asie, puisqu’ils s’y rendent constamment. Cependant la grande communication qui existe entre ces parties du monde, et la facilité de les transporter, peuvent faire supposer que c’est encore la marchandise qui varie le moins dans sa valeur en passant d’un climat dans l’autre.

Heureusement qu’il n’est pas nécessaire, pour les opérations commerciales, de comparer la valeur des marchandises et des métaux dans deux climats éloignés, et qu’il suffit de connaître leur rapport avec les autres