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LIVRE PREMIER. — CHAPITRE XXVII.

avec une instance qui fait peine, comme dans une ville dont l’industrie est tombée.

Sa valeur ne peut donc servir mieux que la valeur de toute autre denrée, à mesurer deux valeurs séparées par de grandes distances ou par un long espace de temps. Il n’y a réellement point de mesure des valeurs, parce qu’il faudrait pour cela qu’il y eût une valeur invariable, et qu’il n’en existe point.

À défaut de mesure exacte, il faut se contenter d’évaluations approximatives ; alors la valeur de plusieurs marchandises, lorsqu’elle est bien connue, peut donner une idée plus ou moins rapprochée de la valeur de telle autre. Pour savoir, à peu près, ce qu’une chose valait chez les anciens, il faudrait connaître quelle marchandise, à la même époque, devait valoir à peu près autant que chez nous, et savoir ensuite quelle quantité de cette denrée on donnait en échange de celle dont on veut savoir le prix. Il ne faudrait point prendre pour objet de comparaison la soie, par exemple, parce que cette marchandise, qu’on était obligé, du temps de César, de tirer de la Chine d’une manière dispendieuse, et qui ne se produisait point en Europe, devait être beaucoup plus chère que chez nous. N’est-il aucune marchandise qui ait dû moins varier depuis ce temps jusqu’au nôtre ? Combien donnait-on de cette marchandise pour avoir une once de soie ? Voilà ce qu’il faudrait savoir. S’il était une denrée dont la production fût à peu près également perfectionnée aux deux époques, une denrée dont la consommation fût de nature à s’étendre à mesure qu’elle est plus abondante, cette denrée aurait probablement peu varié dans sa valeur, laquelle pourrait en conséquence devenir un moyen terme de comparaison assez passable des autres valeurs.

Depuis les premiers temps historiques, le blé est la nourriture du plus grand nombre, chez tous les peuples de l’Europe ; et la population des états a dû par conséquent se proportionner à sa rareté et à son abondance plutôt qu’à la quantité de toute autre denrée alimentaire : la demande de cette denrée, relativement à sa quantité offerte, a donc dû être, dans tous les temps, à peu près la même. Je n’en vois point en outre dont les frais de production doivent avoir aussi peu varié. Les procédés des anciens, dans l’agriculture, valaient les nôtres à beaucoup d’égards, et peut-être les surpassaient en quelques points. L’emploi des capitaux était plus cher, à la vérité ; mais cette différence est peu sensible, en ce que, chez les anciens, les propriétaires cultivaient beaucoup par eux-mêmes et avec leurs capitaux ; ces capitaux, engagés dans des entreprises