Page:Say - Traité d’économie politique.djvu/280

Cette page a été validée par deux contributeurs.
279
DE LA PRODUCTION DES RICHESSES.

vertu de l’argent qu’il donne droit de recevoir et qu’on ne peut refuser de payer. Mais quant à la monnaie d’argent qu’on reçoit à la caisse, elle n’est pas le signe : elle est la chose signifiée.

Quand on vend sa marchandise, on ne l’échange donc pas contre un signe, mais contre une autre marchandise appelée monnaie, à laquelle on suppose une valeur égale à celle qu’on vend.

Quand on achète, on ne donne pas seulement un signe : on donne une marchandise ayant une valeur réelle égale à celle qu’on reçoit.

Cette première erreur a été le fondement d’une autre erreur souvent reproduite. De ce que la monnaie était le signe de toutes les valeurs, on a conclu que les monnaies représentaient toutes les marchandises, et que leur valeur totale en chaque pays égalait la valeur totale de tous les autres biens : opinion qui reçoit une apparence de vraisemblance de ce que la valeur relative de la monnaie diminue quand sa masse va en augmentant, et de ce qu’elle augmente quand sa masse diminue.

Mais qui ne voit que cette variation a lieu de même pour toutes les autres marchandises qui ne sont évidemment pas des signes ? Quand la récolte du vin a été double dans une certaine année, son prix tombe à moitié de ce qu’il était l’année précédente ; par une raison semblable, on peut supposer que, si la masse des espèces qui circulent venait à doubler, le prix de toutes choses doublerait, c’est-à-dire que pour avoir le même objet il faudrait donner le double d’argent. Or, cet effet n’indique pas plus que la valeur totale de l’argent est toujours égale à la valeur totale des autres richesses, qu’il n’indique que la valeur totale des vins est égale à toutes les autres valeurs réunies. La variation survenue dans la valeur de l’argent et du vin, dans les deux suppositions, est une conséquence du rapport de ces denrées avec elles-mêmes, et non de leur rapport avec la quantité des autres denrées.

Nous avons déjà vu que la valeur totale de la monnaie d’un pays, même en y ajoutant la valeur de tous les métaux précieux qu’il renferme, est peu de chose, comparée avec la masse entière de ses valeurs. La valeur représentée serait donc supérieure au signe qui la représente, et le signe ne suffirait point pour se procurer la chose signifiée[1].

  1. On ne peut tirer avantage de ce qu’on joint à la valeur de la monnaie celle des papiers de crédit. L’agent de la circulation, qu’il soit sous forme d’espèces ou sous forme de papier de crédit, n’excède jamais en valeur les besoins de la circulation. Quand la masse de la monnaie, de métal ou de papier, vient à augmenter, sa valeur diminue de manière à n’acheter toujours que la même quantité de marchandises, et la valeur que la circulation emploie comme agent de circulation, est toujours peu de chose, comparée avec l’ensemble des valeurs d’un pays. Voyez ci-après ce qui a rapport aux billets de banque.