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PRÉLIMINAIRE.

trouvaient leur compte à faire passer un homme aussi savant et un ministre d’état pour un de leurs adeptes ; mais Turgot ne jugeait pas d’après leur code : il jugeait d’après les choses ; et, bien qu’il se soit trompé sur plusieurs points importans de doctrine, ses opérations administratives, faites ou projetées, sont au nombre des plus belles qu’aucun homme d’état ait jamais conçues ; aussi rien n’accuse plus le défaut de capacité de son prince que de n’avoir pas su les apprécier, ou, s’il a pu les apprécier, de n’avoir pas su les soutenir.

Ce n’est pas seulement sur les écrivains français que les économistes exercèrent quelque influence ; ils en eurent une très-marquée sur des écrivains italiens qui les surpassèrent. Beccaria, dans un cours public à Milan[1], analysa pour la première fois les vraies fonctions des capitaux productifs. Le comte de Verri, compatriote et ami de Beccaria, et digne de l’être, à la fois grand administrateur et bon écrivain, dans ses meditazioni sull’ economia politica, publiées en 1771, s’est approché plus que personne avant Smith, des véritables lois qui dirigent la production et la consommation des richesses. Filangieri, quoiqu’il n’ait donné qu’en 1780 son Traité des lois politiques et économiques, paraît n’avoir pas eu connaissance de l’ouvrage de Smith, publié quatre années auparavant. Il suit les principes de Verri, et même leur donne un degré de développement de plus ; mais il ne va point, guidé par le flambeau de l’analyse et de la déduction, des plus heureuses prémisses aux conséquences immédiates qui les confirment en même temps qu’elles en montrent l’application et l’utilité.

Tous ces écrits ne pouvaient conduire à un grand résultat.

  1. Voyez ses cahiers, qui ont été imprimés pour la première fois en 1804, dans l’estimable recueil publié à Milan par Pietro Custodi, sous le titre de Scrittori classici italiani di economia politica. Je n’en ai eu connaissance qu’après la première publication de cet ouvrage-ci, qui a eu lieu en 1803.