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LIVRE PREMIER. — CHAPITRE XXVI.

tions pour que la banque n’augmentât pas la somme de ses billets en circulation, elle aurait pu les payer à bureau ouvert ; il est probable que les marchandises n’auraient pas baissé de prix ; les mêmes facilités se seraient offertes à l’industrie ; les engagemens contractés auraient été acquittés sur le même pied auquel ils avaient été contractés, et l’état n’aurait pas été tenu d’acquitter, comme il a fait depuis, une dette, des pensions et des traitemens d’un tiers plus considérables qu’ils n’étaient alors. Les intérêts privilégiés s’y opposèrent, et la masse de la nation, outre les maux que souffrirent alors les classes laborieuses, se trouvera long-temps encore accablée d’une dette dont les trois quarts peuvent être attribués à une lutte qu’il est permis à l’orgueil national d’appeler glorieuse, mais qui coûte cher à la nation, sans lui avoir fait aucun profit[1].

La possibilité de se servir d’une monnaie dépourvue de toute propriété physique, pourvu qu’elle soit aisément transmissible, et qu’on trouve le moyen d’en soutenir la valeur à un taux, sinon invariable, du moins difficilement et lentement variable, a fait présumer à de très-bons esprits qu’on pourrait sans inconvénient y employer une matière beaucoup moins précieuse que l’or et l’argent, qui, pour cet usage, pourraient être suppléés avantageusement. David Ricardo a proposé dans ce but un moyen fort ingénieux, et qui consiste à obliger la banque, ou toute autre corporation qu’on autoriserait à mettre en circulation de la monnaie de papier, à la rembourser, à bureau ouvert, en lingots. Un billet stipulant un certain lingot d’or ou d’argent qu’on serait autorisé à se faire délivrer à volonté, ne pourrait pas tomber au-dessous de la valeur de ce lingot ; et d’un autre côté, si la quantité des billets émise n’excédait pas les besoins de la

  1. La cherté des objets de consommation équivaut à la réduction des revenus des particuliers, ce qui, dans les classes pauvres et laborieuses, constitue la misère. Si les charges de l’Angleterre étaient moins lourdes, le blé pourrait y être produit à des prix plus rapprochés des blés étrangers ; la libre importation de ceux-ci pourrait être permise, au grand soulagement des classes manufacturières. L’énormité de la dette, les gros traitemens, et l’impossibilité de réformer les abus avec une représentation dérisoire, rendent plus difficile un remède efficace. L’Angleterre souffrira encore long-temps de la guerre impolitique qu’elle a faite à la révolution française. La France souffrira aussi dans un autre genre. Chacun souffre de ses fautes.