Page:Say - Traité d’économie politique.djvu/276

Cette page a été validée par deux contributeurs.
275
DE LA PRODUCTION DES RICHESSES.

d’or, n’eurent plus rien à gagner en exigeant le remboursement en espèces des billets dont ils étaient porteurs.

Cette circonstance fut très-fâcheuse pour l’industrie anglaise. De nombreux engagemens avaient été contractés en une monnaie dépréciée, notamment les baux dont la durée est fort longue. Les fermiers, par suite de la dépréciation, s’étaient obligés à payer de plus fortes sommes nominales, et les acquittaient aisément, parce que les denrées, payées en une monnaie de moindre valeur, étaient payées nominalement plus cher. Lorsque la valeur de la monnaie a été réintégrée, les prix ont baissé en proportion, et l’on a été obligé de payer, en valeurs réelles, des obligations qui avaient été contractées en valeurs nominales. Les impôts, qui s’étaient accrus en raison de la dépréciation des monnaies, durent de même être payés en valeurs réelles, et les charges de l’état, notamment la dette publique, qui avaient été allégées lorsqu’on en avait payé les intérêts en monnaie dépréciée, devinrent plus lourdes qu’auparavant. Il fallut payer en une monnaie valant de l’or, les intérêts d’emprunts publics contractés pendant 12 à 15 années, et dont les fonds avaient été fournis en une monnaie qui valait un quart ou un tiers de moins. Les traitemens d’emplois publics, et, ce qui est pire, les pensions et les sinécures, nominalement augmentés pendant la dépréciation, furent payés en valeurs réelles après la restauration de la valeur. Ce fut une banqueroute ajoutée à une banqueroute ; car on ne viole pas moins ses engagemens lorsqu’on fait payer aux contribuables plus qu’ils ne doivent, que lorsqu’on ne paie pas à des créanciers tout ce qui leur est dû.

En 1800, les billets de banque étant au pair, avec 3 livres 17 sous 10 deniers 1 sur 2 sterling, on pouvait se procurer une once d’or ; en 1814, on fut obligé de la payer 5 livres 6 sous 4 deniers[1]. Cent livres sterling en papier ne valaient plus que 73 livres 4 sous 9 deniers en or, et cette dépréciation fut accompagnée d’une assez grande prospérité. La valeur des billets remonta dans les années qui suivirent jusqu’en 1821, où ils furent de nouveau au pair, et cette restauration fut accompagnée d’une fort grande détresse. On proposa, entre autres expédiens, de réduire la livre sterling à la quantité de métal que les billets de banque pouvaient réellement acheter[2] ; et si ce parti eût été adopté, en prenant des précau-

  1. Voyez A Series of tables exibiting the gain and loss of the fundholder, par Robert Mushet, 1821, table 1.
  2. Voyez A Letter to the earl of Liverpool on the present distresses of the country, and the efficacy of reducing the standard of our silver currency, 1816, par C. R. Prinsep. L’auteur propose de réduire la livre sterling à ce qu’il y a d’argent dans 16 shillings, au lieu de ce qu’il en faut pour faire 20 shillings.