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LIVRE PREMIER. — CHAPITRE XXVI.

Il fallait, assignats en main, acheter à l’enchère les domaines nationaux ; et la valeur de l’assignat était tombée au point qu’un assignat de cent francs ne pouvait, à l’enchère, obtenir un pouce carré de terrain.

De façon que, tout discrédit à part, une somme en assignats ne présentait l’idée d’aucune valeur ; et le gouvernement aurait joui de toute la confiance qu’il n’avait pas, que les assignats ne pouvaient éviter de tomber à rien.

On sentit cette erreur dans la suite, et lorsqu’il ne fut plus possible d’acheter la moindre denrée pour quelque somme en assignats qu’on en offrît. Alors on créa des mandats, c’est-à-dire un papier avec lequel on pouvait se faire délivrer, sans enchère, une quantité déterminée de biens nationaux ; mais on s’y prit mal dans l’exécution, et d’ailleurs il était trop tard.

Le papier-monnaie que l’Angleterre mit en circulation de 1798 à 1818 (bank notes), ne subit pas une aussi forte dépréciation, parce qu’il fut émis avec quelque mesure ; ce qui tint à plusieurs causes, et principalement au frein de l’opinion publique et au concours, nécessaire pour cette opération, des directeurs de la banque d’Angleterre et de l’administration de l’état, ces deux intérêts divers se trouvant différemment compromis par les émissions successives. Elles excédèrent néanmoins les besoins de la circulation, assez pour faire tomber la valeur de l’unité monétaire aux deux tiers environ de la valeur de la même unité en or[1]. Et lorsque les directeurs de la banque, de concert avec le gouvernement, voulurent faire remonter la valeur des billets au niveau de l’or, ils n’eurent qu’à en diminuer la masse. Le gouvernement remboursa à la banque une partie des avances qu’il avait reçues d’elle, ce qui fit rentrer une partie des billets ; et la banque cessa de prendre des effets à l’escompte, en même temps qu’elle encaissa ceux de son portefeuille dont l’échéance arrivait journellement ; ce qui en fit rentrer encore. L’agent des échanges, devenant plus rare sur le marché, reprit sa valeur ; et les spéculateurs, obligés de payer l’or aussi cher en livres sterling de papier qu’en livres sterling

  1. Elle ne serait pas tombée à beaucoup près autant sans les émissions de billets des banques provinciales. Quoique ces billets n’eussent pas un cours forcé, et que les banques provinciales fussent obligées de les acquitter à présentation en monnaie légale (en bank notes), ils contribuaient à rendre l’instrument des échanges plus abondant par rapport aux besoins de la circulation ; car les signes représentatifs de la monnaie servent exactement aux mêmes usages.