avec force à ce changement : les principes furent obligés de céder au pouvoir, et les fautes du pouvoir, lorsqu’on en sentit les fatales conséquences, furent attribuées à la fausseté des principes.
Les assignats créés dans le cours de la révolution française valaient encore moins que le papier-monnaie de la régence. Celui-ci promettait au moins un paiement en argent ; ce paiement aurait pu être considérablement réduit par l’altération des monnaies ; mais enfin, si le gouvernement avait été plus mesuré dans l’émission de son papier-monnaie, et plus scrupuleux à tenir ses engagemens, ce papier aurait pu être remboursé un peu plus tôt ou un peu plus tard ; tandis que les assignats ne donnaient aucun droit au remboursement en argent, mais seulement à un achat de biens nationaux ; or, on va voir ce que valait ce droit-là.
Les premiers assignats portaient qu’ils étaient payables, à vue, à la caisse de l’extraordinaire, où, dans le fait, ils n’étaient point payés. On les recevait, à la vérité, en paiement des domaines nationaux que les particuliers achetaient à l’enchère ; mais la valeur de ces domaines ne suffisait point pour déterminer celle des assignats, parce que leur prix nominal augmentait dans la même proportion que celui de l’assignat déclinait. Le gouvernement n’était pas même fâché que le prix des domaines s’élevât nominalement ; il y voyait un moyen de retirer une plus grande quantité d’assignats, et par conséquent un moyen d’en émettre d’autres sans en augmenter la somme. Il ne sentait pas que ce n’était pas le prix des biens nationaux qui augmentait, mais bien celui des assignats qui diminuait ; et plus celui-ci diminuait, plus il était forcé d’en émettre pour acheter les mêmes denrées.
Les derniers assignats ne portaient plus qu’ils étaient payables à vue. À peine s’aperçut-on de ce changement ; car les derniers n’étaient pas moins payés que les précédens, qui ne l’étaient pas du tout.
Mais le vice de leur institution s’en découvre mieux ; en effet, on lisait sur une feuille de papier : Domaines nationaux, assignat de cent francs, etc. Or, que voulaient dire ces mots cent francs ? De quelle valeur donnaient-ils l’idée ? De la quantité d’argent qu’auparavant on appelait cent francs ? Non, puisqu’il était impossible de se procurer cette quantité d’argent avec un assignat de cent francs. Donnaient-ils l’idée d’une étendue de terre égale à celle qui aurait valu cent francs en argent ? Pas davantage, puisque, par l’effet des enchères, cette quantité de terre ne pouvait pas plus être obtenue avec un assignat de cent francs, même des mains du gouvernement, qu’on ne pouvait obtenir cent francs d’espèces.