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LIVRE PREMIER. — CHAPITRE XXV.

Je ne m’occupe point en ce moment de la diminution qui a eu lieu dans la valeur de l’argent fin, qui, à égalité de poids, ne vaut guère, échangé contre des choses utiles, que le sixième de ce qu’il valait alors. Cette considération sort du sujet de ce chapitre ; j’en parle ailleurs.

On voit que le nom de livre a successivement été appliqué à des quantités fort diverses d’argent fin. Tantôt ce changement s’est opéré en diminuant la grandeur et le poids des pièces d’argent de même dénomination, tantôt en altérant leur titre, c’est-à-dire, en mettant sous le même poids plus d’alliage et moins d’argent fin ; tantôt en augmentant la dénomination d’une même pièce, et nommant, par exemple, 4 livres tournois une pièce qui n’était auparavant que de trois livres. Comme il n’est ici question que de l’argent fin, puisque c’est la seule marchandise ayant quelque valeur dans la monnaie d’argent, de toutes ces manières l’altération a eu le même effet, puisqu’elle a diminué la quantité d’argent qu’on a appelée du nom de livre tournois. C’est ce que nos écrivains, d’après les ordonnances, appellent fort ridiculement augmentation des monnaies, parce qu’une telle opération augmente la valeur nominale des espèces, et ce qu’il serait plus raisonnable d’appeler diminution des monnaies, puisqu’elle diminue la quantité du métal qui seul fait la monnaie.

Bien que cette quantité ait été en diminuant depuis Charlemagne jusqu’à nos jours, plusieurs rois l’ont cependant augmentée à diverses époques, notamment depuis saint Louis. Les raisons qu’ils avaient de la diminuer sont bien évidentes : il est plus commode de payer ce qu’on doit avec une moindre quantité d’argent. Mais les rois ne sont pas seulement débiteurs ; ils sont, dans beaucoup de cas, créanciers ; ils sont, relativement aux contribuables, dans la situation du propriétaire relativement au fermier. Or, quand tout le monde était autorisé à s’acquitter avec une moindre quantité d’argent, le contribuable payait ses contributions, de même que le fermier son fermage, avec une moindre quantité de ce métal.

Tandis que le roi recevait moins d’argent, il en dépensait autant qu’auparavant ; car les marchandises haussaient nominalement de prix en proportion de la diminution de la quantité d’argent contenue dans la livre. Quand on appelait 4 livres la quantité d’argent nommée auparavant 3 livres, le gouvernement payait 4 livres ce qu’il aurait eu pour 3 auparavant. Il se voyait forcé d’augmenter les impôts ou d’en établir de nouveaux, c’est-à-dire que, pour lever la même quantité d’argent fin, on