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LIVRE PREMIER. — CHAPITRE XXV.

quarantième dans nos paiemens, avait une légère valeur intrinsèque, inférieure cependant au quarantième de la somme en argent ; autrement on n’aurait pas été forcé de faire une ordonnance pour contraindre à la recevoir.

Si le gouvernement remboursait à bureau ouvert, en argent, les pièces de cuivre qu’on viendrait lui rapporter, il pourrait, presque sans inconvénient, leur donner extrêmement peu de valeur intrinsèque ; les besoins de la circulation en absorberaient toujours une fort grande quantité, et elles conserveraient leur valeur aussi complétement que si elles valaient la fraction de monnaie qu’elles représentent ; de même qu’un billet de banque qui n’a point de valeur intrinsèque, circule néanmoins, et même plusieurs années de suite, comme s’il valait intrinsèquement ce que porte sa valeur nominale. Cette opération vaudrait au gouvernement plus que ce qu’il peut faire passer de force dans la circulation, et la valeur des monnaies n’en serait point altérée.

Il n’y aurait à craindre que les contrefacteurs, dont la cupidité serait d’autant plus excitée, qu’il y aurait plus de différence entre la valeur intrinsèque et la valeur courante. L’avant-dernier roi de Sardaigne, ayant voulu retirer une monnaie de billon que son père avait fabriquée dans des temps malheureux, en retira trois fois plus que le gouvernement n’en avait jamais fait. Le roi de Prusse éprouva une semblable perte, par une semblable cause, lorsqu’il fit retirer, sous le nom emprunté du juif Éphraïm, le bas billon qu’il avait forcé les Saxons de recevoir, dans la détresse où l’avait réduit la guerre de sept ans[1].

CHAPITRE XXV.

De l’altération des Monnaies.

Du droit attribué au gouvernement seul de fabriquer la monnaie, on a fait dériver le droit d’en déterminer la valeur. Nous avons vu combien est vaine une semblable prétention, la valeur de l’unité monétaire étant déterminée uniquement par l’achat et la vente, qui sont nécessairement libres. Il était impossible de ne pas s’apercevoir qu’une pièce de monnaie achetait tantôt plus, tantôt moins de marchandise ; mais comme la valeur de toutes les marchandises est variable de son côté, on s’imaginait que c’était la marchandise qui variait et non la monnaie, même au milieu des

  1. Mongez, Considérations sur les Monnaies, page 31.