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LIVRE PREMIER. — CHAPITRE XXIV.

Le même auteur avoue, à la vérité, dans un autre endroit, que « dans les coffres d’un particulier, le numéraire est une vraie richesse, une partie intégrante des biens qu’il possède, et qu’il peut consacrer à ses jouissances ; mais que, sous le rapport de l’économie publique, ce numéraire n’est autre chose qu’un instrument d’échange, totalement distinct des richesses qu’il sert à faire circuler[1]. » Je crois en avoir dit assez pour prouver au contraire l’analogie complète qu’il y a entre le numéraire et toutes les autres richesses. Ce qui est richesse pour un particulier, l’est pour une nation, qui n’est que la réunion des particuliers ; l’est aux yeux de l’économie politique, qui ne doit pas raisonner sur des valeurs imaginaires, mais sur ce que chaque particulier, ou tous les particuliers réunis, regardent, non dans leurs discours, mais dans leurs actions, comme des valeurs.

C’est une preuve de plus qu’il n’y a pas deux ordres de vérités dans cette science non plus que dans les autres ; ce qui est vrai pour un individu, l’est pour un gouvernement, l’est pour une société. La vérité est une ; les applications seules diffèrent.

CHAPITRE XXIV.

Que les monnaies faites de différens métaux ne peuvent pas conserver un rapport fixe dans leur valeur.

Les causes qui influent sur la valeur des choses, et notamment la quantité qu’on en demande au prix où les portent leurs frais de production, n’influent pas au même degré sur différentes marchandises, ni à différentes époques sur la même marchandise. Or, différens métaux sont des marchandises différentes ; leurs propriétés, leurs usages sont divers. On ne peut pas employer l’or dans tous les cas où l’on emploie l’argent ; il a une pesanteur, une ductilité qui lui sont propres ; sa rareté et les frais de son extraction le portent à un prix qui excède la dépense que beaucoup de familles peuvent consacrer à se pourvoir de cuillères, de fourchettes, et de beaucoup d’autres ustensiles d’argent. L’argent est en conséquence beaucoup plus demandé que l’or en proportion de la quantité qu’en fournissent les mines. M. de Humboldt prétend que la quantité d’argent

  1. Abrégé des Principes d’Économie publique, première partie, chap. 4, et dans l’avertissement.