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LIVRE PREMIER. — CHAPITRE XXIII.

le monnayage, est de se prévaloir du privilége qu’ils ont de fabriquer seuls, pour diminuer l’approvisionnement du marché, en suspendant la fabrication jusqu’à ce que les monnaies, devenues plus rares, aient acquis plus de valeur relativement aux autres marchandises. De cette manière le besoin d’argent monnayé le fesant plus vivement rechercher, sa valeur croît, on en offre moins pour un kilogramme d’argent, de même que pour toute autre marchandise, et il est alors possible qu’on obtienne pour 190 francs en écus, pour 180 francs, et même pour moins, un kilogramme d’argent dont on pourra faire 200 francs d’écus. Le profit ne consistera toujours que dans la différence qui se manifestera entre le prix du lingot et celui de la monnaie.

Il ne paraît cependant pas que les gouvernemens se prévalent de ce privilége qu’ils ont d’approvisionner imparfaitement d’espèces, la circulation du pays. Cela ne peut avoir lieu sans occasionner une certaine pénurie de monnaie, qui provoque dans le public l’emploi de signes représentatifs dont nous nous occuperons bientôt. Les employés des monnaies sont toujours de leur côté pressés de fabriquer, soit pour paraître utiles, soit pour profiter d’un tant pour cent, accordé à plusieurs d’entre eux sur les métaux qui passent dans les creusets ou sous les balanciers. Peut-être encore les gouvernemens sont-ils trop mauvais négocians pour évaluer complètement leurs frais de production, et notamment la valeur capitale des hôtels des monnaies ; et, après avoir regardé comme perdues les sommes qu’ils y ont consacrées, et peut-être les nombreux traitemens de leurs employés, courent-ils après le bénéfice qui résulte de la fabrication courante, tout insuffisant qu’il est pour rembourser les traitemens et l’intérêt des capitaux versés dans l’entreprise. En fait, il ne paraît pas que la valeur de l’argent monnayé surpasse, dans aucun pays, la valeur de l’argent en lingot, de manière à excéder les frais de fabrication.

Si les gouvernemens étaient complètement indemnisés des frais de fabrication, si le monnayage ne coûtait absolument rien aux contribuables, il n’y aurait jamais lieu de gémir sur l’exportation des espèces. Elle serait même aussi favorable à la richesse nationale que l’exportation de tout autre produit manufacturé. C’est une branche de l’orfèvrerie ; et il n’est pas douteux qu’une monnaie qui serait assez bien frappée pour ne pouvoir être aisément contrefaite, une monnaie essayée et pesée avec préci-