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DE LA PRODUCTION DES RICHESSES.

et l’argent monnayé n’est guère, en temps ordinaire, que d’un pour cent en faveur de l’argent monnayé ; différence trop légère pour couvrir les frais de fabrication.

Dans d’autres temps et dans d’autres pays, les gouvernemens ont cru pouvoir retenir sur les métaux qu’on portait à leurs ateliers, outre leurs frais de fabrication, un droit régalien qu’ils ont nommé droit de seigneuriage. Mais, dans le cas dont il est ici question, le gouvernement n’est autre chose qu’un manufacturier. Son bénéfice ne peut naître que de la différence de valeur qui se manifeste entre la matière première et le produit fabriqué ; valeur qui dépend, non de ses lois et d’une fixation de valeur qui ne dépend pas de lui, mais des circonstances de la société et de la volonté libre des contractans et du prix courant des marchandises. On voit que les droits de fabrication, les droits de seigneuriage, dont on a tant discouru, sont absolument illusoires, et que les gouvernemens ne peuvent avec des ordonnances déterminer le bénéfice qu’ils feront sur les monnaies.

Sans doute le gouvernement peut décider qu’il ne frappera aucune monnaie, à moins que le particulier qui lui apporte du métal à transformer en monnaie ne lui abandonne cinq onces d’argent sur cent qui passeront sous son balancier ; mais on doit bien penser que si, au cours du marché, les cent onces fabriquées ne valent pas à leur possesseur autant que cent cinq onces en lingots, il gardera ses lingots, et les ateliers monétaires resteront oisifs. Et si le gouvernement, pour occuper ses balanciers, achète lui-même des matières, et qu’après avoir frappé cent onces, ces cent onces monnayées ne puissent acheter que cent deux onces en lingots, il ne gagnera que deux pour cent sur sa fabrication, quelle que soit la loi[1].

Le seul moyen qu’aient les gouvernemens d’accroître leurs profits sur

  1. Si l’on objectait ici le droit de onze et demi pour cent, que le gouvernement espagnol, ainsi que l’affirme M. de Humboldt, se fesait payer au Mexique sur la fabrication des piastres, droit qui excédait de beaucoup les frais de monnayage, et procurait un ample revenu à la couronne d’Espagne, je prierais de remarquer qu’il n’est pas question dans cet exemple d’un droit de monnayage seulement, mais d’un droit d’extraction. Les mines étant nombreuses et presque toutes exploitées par des particuliers, le gouvernement, ne sachant aucun moyen d’empêcher que beaucoup de métal d’argent ne fût soustrait aux droits qu’on prétendait mettre sur son extraction, avait trouvé plus simple d’en proscrire complètement le commerce, à moins que le métal ne fût réduit en piastres. Tout argent en lingot était réputé contrebande. Force était dès-lors de le faire frapper en piastres à l’hôtel des monnaies pour n’être pas en fraude ; c’était une loi fiscale comme celle qui assujettit les journaux à un timbre, et non une loi monétaire.