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DE LA PRODUCTION DES RICHESSES.

nombreuse, sa production et sa consommation plus considérables, et si par conséquent le pays se trouvait avoir plus de transactions à conclure, plus d’échanges à terminer, sans que le nombre des unités monétaires fût accru, étant plus demandées et n’étant pas offertes en plus grande quantité, la valeur de chaque unité monétaire croîtrait d’autant plus que cette disparité deviendrait plus sensible. De ces deux effets contraires peuvent naître des combinaisons diverses à l’infini.

Appliquons ces vérités fondamentales aux monnaies qui peuvent être faites de différentes matières, et d’abord aux monnaies d’argent. Les observations qu’elles nous fourniront pourront nous éclairer sur les autres monnaies, en y fesant les corrections nécessaires.

Une pièce de 5 francs d’une part, et un petit lingot du même métal et du même poids d’autre part, sont deux marchandises un peu différentes entre elles ; elles diffèrent comme un produit fabriqué diffère de la matière première dont il est fait. Si cette fabrication était libre pour tout le monde, et si l’autorité publique se bornait à fixer le titre, le poids et l’empreinte que chaque pièce doit recevoir, il s’élèverait des manufactures de monnaie jusqu’à ce que les besoins qu’on a de cet instrument fussent satisfaits. La matière première, l’argent, a, dans chaque pays, une valeur quelconque, déterminée par les mêmes causes qui agissent sur les autres marchandises ; la concurrence des fabricans réduirait les frais de fabrication au taux le plus bas ; et à ce taux, les besoins de la circulation détermineraient le nombre de pièces qu’on pourrait fabriquer avec profit. Si les manufacturiers en produisaient davantage, ils aviliraient leur marchandise et perdraient ; s’ils en fabriquaient trop peu, la valeur des monnaies s’élèverait au-dessus des frais de production, et provoquerait une fabrication plus considérable. Mais le monnayage n’est pas abandonné à une libre concurrence on sait que dans tous les pays l’autorité publique s’est réservée l’exercice exclusif de ce genre de manufacture ; soit qu’à la faveur du monopole, elle ait voulu se procurer un bénéfice extraordinaire, comme celui qu’elle tire en certains lieux du monopole du tabac ; soit plutôt qu’elle ait voulu offrir à ses sujets une garantie plus digne de leur confiance que celle que leur donnerait une manufacture appartenant à des particuliers. En effet, la garantie des gouvernemens, toute frauduleuse qu’elle a été trop souvent, convient encore mieux aux peuples qu’une garantie privée, tant à cause de l’uniformité qu’une fabrication homogène permet de donner aux pièces, que parce que la fraude serait peut-être plus difficile encore à reconnaître, exercée par des particuliers.