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DISCOURS

de même que Voltaire a été le maître de leurs bons historiens, qui sont dignes eux-mêmes maintenant de servir de modèles.

Vers le milieu du dix-huitième siècle, quelques principes sur la source des richesses, mis en avant par le médecin Quesnay, firent un grand nombre de prosélytes. L’enthousiasme de ceux-ci pour leur fondateur, le scrupule avec lequel ils ont toujours depuis suivi les mêmes dogmes, leur chaleur à les défendre, l’emphase de leurs écrits, les ont fait considérer comme une secte, et ils ont été appelés du nom d’Économistes. Au lieu d’observer d’abord la nature des choses, c’est-à-dire la manière dont les choses se passent, de classer leurs observations, et d’en déduire des généralités, ils commencèrent par poser des généralités abstraites, qu’ils qualifiaient du nom d’axiomes, et où ils croyaient voir briller par elle-même l’évidence. Ils cherchaient ensuite à y ramener les faits particuliers, et en déduisaient des règles ; ce qui les engagea dans la défense de maximes évidemment contraires au bon sens et à l’expérience des siècles[1], ainsi qu’on le verra dans plusieurs endroits de ce livre. Leurs antagonistes ne s’étaient pas formé des idées plus claires des choses sur lesquelles ils disputaient. Avec beaucoup de connaissances et de talens de part et d’autre, on avait tort, on avait raison par hasard : on contestait les points qu’il fallait accorder, on convenait de ce qui était faux ; on se battait dans les ténèbres. Voltaire, qui savait très-bien trouver le ridicule partout où il était, se moqua du système des économistes dans son homme aux quarante écus ; mais, en montrant ce que l’ennuyeux fatras de Mercier De La Rivière, ce que l’ami des hommes de Mirabeau, avaient d’impertinent, il ne pouvait pas dire en quoi leurs auteurs avaient tort.

  1. Lorsqu’ils soutiennent, par exemple, que la baisse des denrées de première nécessité est une calamité publique.