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DE LA PRODUCTION DES RICHESSES.

Les fautes commises par le gouvernement de Georges III pendant toute la guerre de la révolution d’Amérique, et malheureusement soutenues par un parlement vénal et une nation orgueilleuse, ont été imitées par Bonaparte lorsqu’il a voulu mettre Saint-Domingue sous le joug. Rien, si ce n’est la distance et la mer, n’a empêché cette guerre de devenir aussi désastreuse que la guerre d’Espagne, tandis que, toute proportion gardée, l’indépendance de Saint-Domingue, franchement reconnue, pouvait être commercialement profitable à la France, comme l’indépendance des États-Unis l’a été pour l’Angleterre.

Je suppose qu’on insiste et qu’on dise : les colonies fournissent certaines denrées qui ne croissent que là. Si vous ne possédez aucun coin de ce territoire privilégié par la nature, vous serez à la merci de la nation qui s’en emparera ; elle aura la vente exclusive des produits coloniaux, et vous les fera payer ce qu’elle voudra.

Il est actuellement prouvé que les denrées que nous appelons mal à propos coloniales, croissent entre les tropiques partout où les localités se prêtent à leur culture, même les épiceries des Moluques, qui se cultivent avec succès à Cayenne, et probablement déjà en beaucoup d’autres endroits. De tous les commerces, le plus exclusif peut-être était celui que les hollandais fesaient de ces épiceries. Ils possédaient seuls les seules îles qui en produisissent, et ils n’en laissaient approcher personne. L’Europe a-t-elle manqué de ces produits ? Les a-t-elle payés au poids de l’or ? Devons-nous regretter de n’avoir pas acheté au prix de deux cents ans de guerres, de vingt batailles navales, de quelques centaines de millions, et du sang de cinq cent mille hommes, l’avantage de payer le poivre et le girofle quelques sous de moins ?

Il est bon d’observer que cet exemple est le plus favorable de tous au système colonial. Il est difficile de supposer que la fourniture du sucre, d’un produit qu’on cultive dans la majeure partie de l’Asie, de l’Afrique et de l’Amérique, pût être accaparée comme celle des épiceries ; et encore cette dernière même est-elle enlevée à l’avidité des possesseurs des Moluques sans coup férir.

Les anciens se fesaient, par leurs colonies, des amis par tout le monde