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DE LA PRODUCTION DES RICHESSES.

se faire, donnerait pour résultat une économie presque inappréciable dans les frais de production. La facilité des communications équivaut à la richesse naturelle et gratuite qui se trouve en un produit, lorsque, sans la facilité des communications, cette richesse naturelle serait perdue. Qu’on suppose des moyens de transporter de la montagne jusque dans la plaine, de très-beaux arbres qui se perdent dans certains endroits escarpés des Alpes et des Pyrénées : dès-lors l’utilité tout entière des bois qui maintenant se pourrissent aux lieux où ils tombent, est acquise, et forme une augmentation de revenu, soit pour le propriétaire du terrain dont le revenu s’accroît de tout le prix auquel il vend ses arbres, soit pour les consommateurs de bois dont le revenu s’accroît de toute la baisse qui résulte par cette circonstance dans le prix de cet objet de leurs consommations[1].

Les académies, les bibliothèques, les écoles publiques, les musées, fondés par des gouvernemens éclairés, contribuent à la production des richesses en découvrant de nouvelles vérités, en propageant celles qui sont connues, et en mettant ainsi les entrepreneurs d’industrie sur la voie des applications que l’on peut faire des connaissances de l’homme à ses besoins[2]. On en peut dire autant des voyages entrepris aux frais du public, et dont les résultats sont d’autant plus brillans que, de nos jours, ce sont en général des hommes d’un mérite éminent qui se vouent à ce genre de recherches.

Et remarquez bien que les sacrifices qu’on fait pour reculer les bornes des connaissances humaines, ou simplement pour en conserver le dépôt, ne doivent pas être condamnés, même lorsqu’ils ont rapport à celles dont on n’aperçoit pas l’utilité immédiate. Toutes les connaissances se tiennent. Il est nécessaire qu’une science purement spéculative soit avancée, pour que telle autre, qui a donné lieu aux plus heureuses applications, le soit également. Il est impossible d’ailleurs de prévoir à quel point un phénomène qui ne paraît que curieux peut devenir utile. Lorsque le Hollandais Otto Guericke tira les premières étincelles électriques, pouvait-on soupçonner qu’elles mettraient Franklin sur la voie de diriger la foudre et d’en préserver nos édifices ? Entreprise qui semblait excéder de si loin les efforts du pouvoir de l’homme !

  1. Les frais de transport des arbres ne sont pas un revenu nouveau ajouté à ceux du pays ; car les capitaux et les facultés industrielles qui servent à ce transport, sont des fonds productifs qui existent indépendamment de la route qu’on a percée, et qui auraient obtenu des profits ailleurs, s’ils n’avaient été appliqués au transport dont il est ici question.
  2. Voyez chapitre 6, Des opérations de l’industrie, etc.