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LIVRE PREMIER. — CHAPITRE XVIII.

qui s’établit naturellement entre les prix des choses, soit violemment dérangée ; or, tout changement brusque dans le prix des choses, est funeste. Le producteur assied ses calculs sur la valeur présumable des produits au moment où ils seront achevés. Rien ne le décourage comme une variation qui se joue de tous les calculs. Les pertes qu’il fera seront aussi peu méritées que les profits extraordinaires que de telles variations peuvent lui procurer ; et ses profits, s’il en fait, seront une charge de plus pour les consommateurs.

On prétend qu’il y a des entreprises que le gouvernement ne peut sans imprudence confier à d’autres qu’à ses agens, telles que la construction des vaisseaux de guerre, la fabrication de la poudre à canon, etc. : cependant le gouvernement anglais confie sans inconvéniens ces travaux à des entrepreneurs particuliers ; et en France même ce sont en grande partie des particuliers qui fournissent les canons, les fusils, les chariots et les caissons dont l’administration de la guerre a besoin. Peut-être devrait-on étendre le même système à tous les objets nécessaires au service de l’état. Un gouvernement ne peut agir que par procureurs, c’est-à-dire par l’intermédiaire de gens qui ont un intérêt particulier différent du sien, et qui leur est beaucoup plus cher. Si, par une conséquence de sa position désavantageuse, il est presque toujours dupe dans les marchés qu’il conclut, il ne doit pas multiplier les occasions de l’être, en devenant entrepreneur lui-même, c’est-à-dire en embrassant une profession qui multiplie à l’infini les occasions de traiter avec les particuliers ; et il lui convient d’établir entre eux une concurrence ouverte à qui le servira mieux et aux conditions les plus modérées.

Si le gouvernement est un mauvais producteur par lui-même, il peut du moins favoriser puissamment la production des particuliers par des établissemens publics bien conçus, bien exécutés et bien entretenus, et notamment par les routes, les ponts, les canaux et les ports.

Les moyens de communication favorisent la production précisément de la même manière que les machines qui multiplient les produits de nos manufactures et en abrégent la production. Ils procurent le même produit à moins de frais, ce qui équivaut exactement à un plus grand produit obtenu avec les mêmes frais. Ce calcul, appliqué à l’immense quantité de marchandises qui couvrent les routes d’un empire populeux et riche, depuis les légumes qu’on porte au marché jusqu’aux produits de toutes les parties du globe, qui, après avoir été débarqués dans les ports, se répandent ensuite sur la surface d’un continent ; ce calcul, dis-je, s’il pouvait