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PRÉLIMINAIRE.

c’est-à-dire des richesses[1] ; principe qui n’est pas rigoureusement vrai, comme on le verra dans cet ouvrage, mais qui, poussé jusqu’à ses dernières conséquences, aurait pu mettre Galiani sur la voie de découvrir et d’expliquer complètement le phénomène de la production. Smith, qui était vers le même temps professeur à Glascow, et qui enseignait la doctrine qui depuis lui a acquis tant de célébrité, n’avait probablement pas connaissance d’un livre italien publié à Naples par un jeune homme alors sans nom, et qu’il n’a point cité. Mais en eût-il eu connaissance, une vérité n’appartient pas à celui qui la trouve, mais à celui qui la prouve, et qui sait en voir les conséquences. Keppler et Pascal avaient deviné la gravitation universelle, et la gravitation n’en appartient pas moins à Newton[2].

  1. « Entro ora a dire della fatica, non solo in tutte le opera que sono intieramente, dell’ arte, come le pitture, sulture, intagli, etc, ma anche in molti corpi, come sono i minerali, i sassi, le piante sontanee delle selve, etc., è l’unica che dà valore alla cosa. (GALIANI, della Moneta, lib. I, cap.2). Relativement au travail, je remarquerai que non-seulement dans les produits qui sont entièrement l’ouvrage de l’art, comme dans la peinture, la sculpture, la gravure, etc., mais encore dans les produits de la nature, les minéraux, les pierres, les arbres des forêts, la valeur des choses qu’autant qu’elle a exigé un travail plus ou moins grand. » Galiani dans le même chapitre, dit aussi que l’homme, c’est-à-dire son travail, est la seule bonne mesure des valeurs. C’est encore un principe, et, selon moi, une erreur de Smith ; il entre autre chose encore que du travail humain dans la création des valeurs.
  2. Ce même Galiani, dans le même ouvrage, dit que ce qui est gagné par les uns est nécessairement perdu par les autres ; il montre en cela qu’un écrivain, même très-ingénieux, peut ne pas savoir tirer les conséquences les plus simples, et peut passer à côté d’une vérité sans l’apercevoir ; car, s’il peut y avoir de la richesse créée par le travail, il peut donc y avoir dans le nombre de richesse nouvelle qui n’est prise à personne. Galiani, dans ses Dialogues sur le commerce des grains faits en France long-temps après, a prononcé lui-même sa condamnation d’un ton qui lui était propre. « Une vérité, dit-il, que le pur hasard fait naitre comme un champignon dans un pré, n’est bonne à rien ; on ne la sait pas employer si on ne sait d’où elle vient, où elle va, comment et de quelle chaine de raisonnemens elle dérive.»