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DE LA PRODUCTION DES RICHESSES.

sives de tous genres, dont on voit les membres orner tous les ans la marche triomphale du lord-maire[1]. »

On connaît la prodigieuse activité des manufactures de quelques faubourgs de Paris, et principalement du faubourg saint-Antoine, où l’industrie jouissait de plusieurs franchises. Il y a tel produit qu’on ne savait faire que là. Comment arrivait-il donc qu’on y fût plus habile sans apprentissage, sans compagnonage forcé, que dans le reste de la ville, où l’on était assujetti à ces règles qu’on cherche à faire envisager comme si essentielles ? C’est que l’intérêt privé est le plus habile des maîtres.

Quelques exemples feront comprendre mieux que des raisonnemens, ce que les corporations et les maîtrises ont de défavorable aux développemens de l’industrie.

Argand, à qui l’on doit les lampes à double courant d’air, découverte qui a plus que triplé la quantité de lumière dont nous pouvons jouir, pour le même prix, en l’absence du soleil, fut attaqué devant le parlement par la communauté des ferblantiers, serruriers, taillandiers, maréchaux-grossiers, qui réclamaient le droit exclusif de faire des lampes[2].

Un habile constructeur d’instrumens de physique et de mathématiques de Paris, Lenoir, avait un petit fourneau pour modeler les métaux dont il se servait. Les syndics de la communauté des fondeurs vinrent eux-mêmes le démolir. Il fut obligé de s’adresser au roi pour le conserver, et le talent eut encore besoin de la faveur.

La fabrication des tôles vernies a été expulsée de France jusqu’à la révolution, parce qu’elle demande des ouvriers et des outils qui appartiennent à différentes professions, et qu’on ne pouvait s’y livrer sans être agrégé à plusieurs communautés. On remplirait un volume des vexations décourageantes pour les efforts personnels, qui ont été exercées dans la ville de Paris par l’effet du système réglementaire ; et l’on remplirait un

  1. Remarques sur les avantages et les désavantages de la France et de la Grande-Bretagne. Le nom de John Nickols, que porte cet ouvrage, paraît être supposé. Barbier, dans son Dictionnaire des anonymes et des pseudonymes, prétend qu’il est d’un employé très-instruit du ministère des affaires étrangères.
  2. Que ne se fesait-il recevoir de la communauté ? disent certaines gens toujours prêts à justifier le mal qui se fait d’office. Mais les ferblantiers, juges des admissions, étaient intéressés à écarter un concurrent dangereux. N’est-il pas, d’ailleurs, bien encourageant pour un inventeur, de passer à solliciter des supérieurs, le temps qu’il ne voudrait donner qu’à son art ?