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LIVRE PREMIER. — CHAPITRE XVII.

temps qu’ils ont assujetti à une espèce d’amende ceux qui achetaient de l’étranger, ils ont souvent offert des gratifications, sous le nom de primes d’encouragement, à celui qui vendait à l’étranger.

Le gouvernement anglais surtout, plus jaloux encore que les autres de favoriser l’écoulement des produits du commerce et des manufactures de la Grande-Bretagne, a fait grand usage de ce moyen d’encouragement. On comprend que le négociant qui reçoit une gratification à la sortie, peut, sans perte pour lui-même, donner dans l’étranger sa marchandise à un prix inférieur à celui auquel elle lui revient lorsqu’elle y est rendue. « Nous ne pouvons, dit Smith à ce sujet, forcer les étrangers à acheter de nous exclusivement les objets de leur consommation ; en conséquence nous les payons pour qu’ils nous accordent cette faveur. »

En effet, si une certaine marchandise envoyée par un négociant anglais en France, y revient à ce négociant, en y comprenant le profit de son industrie, à 100 francs, et si ce prix n’est pas au-dessous de celui auquel on peut se procurer la même marchandise en France, il n’y aura pas de raison pour qu’il vende la sienne exclusivement à toute autre. Mais si le gouvernement anglais accorde, au moment de l’exportation, une prime de 10 francs, et si, au moyen de cette prime, la marchandise est donnée pour 90 francs au lieu de 100 qu’elle vaudrait, elle obtient la préférence ; mais n’est-ce pas un cadeau de 10 francs que le gouvernement anglais fait au consommateur français ?

On conçoit que le négociant puisse trouver son compte à cet ordre de choses. Il fait le même profit que si la nation française payait la chose selon sa pleine valeur ; mais la nation anglaise perd, à ce marché, dix pour cent avec la nation française. Celle-ci n’envoie qu’un retour de la valeur de 90 francs en échange de la marchandise qu’on lui a envoyée, qui en vaut 100.

Quand une prime est accordée, non au moment de l’exportation, mais dès l’origine de la production, le produit pouvant être vendu aux nationaux de même qu’aux étrangers, c’est un présent dont profitent les consommateurs nationaux comme ceux de l’étranger. Si, comme cela arrive quelquefois, le producteur met la prime dans sa poche, et n’en maintient pas moins la marchandise à son prix naturel, alors c’est un présent fait par le gouvernement au producteur, qui est en outre payé du profit ordinaire de son industrie.

Quand une prime engage à créer, soit pour l’usage intérieur, soit pour l’usage de l’étranger, un produit qui n’aurait pas lieu sans cela, il