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DE LA PRODUCTION DES RICHESSES.

commerce qu’on a faits chez les modernes, sont basés sur l’avantage et la possibilité prétendus de solder la balance commerciale avec des espèces. Si cet avantage et cette possibilité sont des chimères, les avantages qu’on a recueillis des traités de commerce n’ont pu venir que de l’augmentation de liberté et de la facilité de communication qui en sont résultées pour les nations, et nullement des clauses et des stipulations qu’ils renfermaient ; à moins qu’une des puissances ne se soit servi de sa prépondérance pour stipuler en sa faveur des avantages qui ne peuvent passer que pour des tributs colorés, comme l’Angleterre l’a fait avec le Portugal. C’est une extorsion comme une autre.

Je ferai observer encore que les traités de commerce offrant à une nation étrangère des faveurs spéciales, sont des actes sinon hostiles, du moins odieux à toutes les autres nations. On ne peut faire valoir une concession qu’on fait aux uns qu’en la refusant aux autres. De là des causes d’inimitiés, des germes de guerre toujours fâcheux. Il est bien plus simple, et j’ai montré qu’il serait bien plus profitable, de traiter tous les peuples en amis, et de ne mettre, sur l’introduction des marchandises étrangères, que des droits analogues à ceux dont est chargée la production intérieure.

Malgré les inconvéniens que j’ai signalés dans les prohibitions de denrées étrangères, il serait sans doute téméraire de les abolir brusquement. Un malade ne se guérit pas dans un jour. Une nation veut être traitée avec de semblables ménagemens, même dans le bien qu’on lui fait. Que de capitaux, que de mains industrieuses employés dans des fabrications monopoles, qu’il faut dès-lors ménager, quoiqu’elles soient des abus ! Ce n’est que peu à peu que ces capitaux et cette main-d’œuvre peuvent trouver des emplois plus avantageusement productifs pour la nation. Peut-être n’est-ce pas trop de toute l’habileté d’un grand homme d’état pour cicatriser les plaies qu’occasionne l’extirpation de cette loupe dévorante du système réglementaire et exclusif ; et quand on considère mûrement le tort qu’il cause quand il est établi, et les maux auxquels on peut être exposé en l’abolissant, on est conduit naturellement à cette réflexion : s’il est si difficile de rendre la liberté à l’industrie, combien ne doit-on pas être réservé lorsqu’il s’agit de l’ôter !

Les gouvernemens ne se sont pas contentés de mettre des entraves à l’introduction des produits étrangers. Toujours persuadés qu’il fallait que leur nation vendît sans acheter, comme si la chose était possible, en même