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DE LA PRODUCTION DES RICHESSES.

On pourrait peut-être en rester là sur la balance du commerce ; mais ces idées sont encore si peu familières, je ne dirai pas au vulgaire seulement, mais même à des écrivains et à des administrateurs recommandables par la pureté de leurs intentions et par des connaissances d’ailleurs très-variées, qu’il peut être à propos de mettre le lecteur à portée de signaler le vice de certains raisonnemens, bien fréquemment opposés aux principes libéraux, et qui malheureusement servent de base à la législation des principaux états de l’Europe. Je réduirai toujours les objections aux termes les plus simples et les plus clairs, afin qu’on juge plus aisément de leur importance.

On dit qu’en augmentant, par une balance favorable du commerce, la masse du numéraire, on augmente la masse des capitaux du pays ; et qu’en le laissant écouler, on la diminue. Il faut donc répéter ici, en premier lieu, que la totalité du numéraire d’un pays ne fait pas partie de ses capitaux : l’argent qu’un cultivateur reçoit pour le prix de ses produits, qu’il porte ensuite au percepteur des contributions, qui parvient au trésor public, qui est employé ensuite à payer un militaire ou un juge, qui est dépensé par eux pour la satisfaction de leurs besoins, ne fait partie d’aucun capital. En second lieu, et en supposant même que tout le numéraire d’un pays fît partie de ses capitaux, il n’en formerait que la plus petite partie. Le lecteur a vu que les capitaux consistent dans la valeur de cet ensemble de matériaux, d’outils, de marchandises qui servent à la reproduction. Lorsqu’on veut employer un capital dans une entreprise quelconque, ou lorsqu’on veut le prêter, on commence, à la vérité, par le réaliser, et par transformer en argent comptant les différentes valeurs dont on peut disposer. La valeur de ce capital, qui se trouve ainsi passagèrement sous la forme d’une somme d’argent, ne tarde pas à se transformer, par des échanges, en diverses constructions et en matières consommables nécessaires à l’entreprise projetée. L’argent comptant, momentanément employé, sort de nouveau de cette affaire, et va servir à d’autres échanges, après avoir rempli son office passager, de même que beaucoup d’autres matières sous la forme desquelles s’est trouvée successivement cette valeur capitale. Ce n’est donc point perdre ou altérer un capital que de disposer de sa valeur, sous quelque forme matérielle qu’elle se trouve, pourvu qu’on en dispose de manière à s’assurer le remplacement de cette valeur.