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LIVRE PREMIER. — CHAPITRE XVII.

gaire est accoutumé à juger plus riche celui qui a le plus d’argent ; et comme la nation se compose des particuliers, il est porté à conclure que la nation est plus riche quand tous les particuliers ont beaucoup d’argent. Mais la matière ne fait pas la richesse ; c’est la valeur de la matière. Si beaucoup d’argent ne vaut pas plus que peu, peu d’argent vaut autant que beaucoup. Une valeur en marchandise vaut autant que la même valeur en argent.

Non, ajoute-t-on, à égalité de valeur, l’argent est préféré à la marchandise. ― arrêtons-nous un instant ; ceci demande une explication. On verra, quand je parlerai des monnaies, la raison qui fait qu’en général, à égalité de valeur, on préfère le numéraire aux marchandises. On verra qu’avec le métal monnayé on peut se procurer les choses dont on a besoin, par un seul échange au lieu de deux. Il n’est pas nécessaire alors, comme lorsqu’on possède toute autre espèce de marchandise, de vendre sa marchandise-monnaie d’abord, pour en racheter ce qu’on veut avoir : on achète immédiatement ; ce qui, avec la facilité que donne la monnaie par ses coupures, de la proportionner exactement à la valeur de la chose achetée, la rend éminemment propre aux échanges ; elle a donc pour consommateurs tous ceux qui ont quelque échange à faire, c’est-à-dire, tout le monde ; et c’est la raison pour laquelle tout le monde est disposé à recevoir, à valeur égale, de la monnaie plutôt que tout autre marchandise. Mais cet avantage de la monnaie, dans les relations entre particuliers, n’en est plus un de nation à nation. Dans ces dernières relations, la monnaie, et encore plus les métaux non monnayés, perdent l’avantage que leur qualité de monnaie leur donne aux yeux des particuliers ; ils rentrent dans la