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DE LA PRODUCTION DES RICHESSES.

Une nation, par rapport à la nation voisine, est dans le même cas qu’une province par rapport à une autre province, qu’une ville par rapport aux campagnes : elle est intéressée à la voir prospérer, et assurée de profiter de son opulence. C’est donc avec raison que les États-Unis ont toujours cherché à donner de l’industrie aux tribus sauvages dont ils sont entourés : ils ont voulu qu’elles eussent quelque chose à donner en échange, car on ne gagne rien avec des peuples qui n’ont rien à vous donner. Il est précieux pour l’humanité qu’une nation, entre les autres, se conduise, en chaque circonstance, d’après des principes libéraux. Il sera démontré, par les brillans résultats qu’elle en obtiendra, que les vains systèmes, les funestes théories, sont les maximes exclusives et jalouses des vieux états de l’Europe qu’ils décorent effrontément du nom de vérités pratiques, parce qu’ils les mettent malheureusement en pratique. L’union américaine aura la gloire de prouver, par l’expérience, que la plus haute politique est d’accord avec la modération et avec l’humanité[1].

Une troisième conséquence de ce principe fécond, c’est que l’importa-

  1. Avant les derniers progrès de l’économie politique, ces vérités si importantes étaient méconnues, non-seulement du vulgaire, mais des esprits les plus judicieux et les plus éclairés. On lit dans Voltaire : « Telle est la condition humaine, que souhaiter la grandeur de son pays, c’est souhaiter du mal à ses voisins… Il est clair » qu’un pays ne peut gagner sans qu’un autre perde. » (Dictionn. philosophique, article patrie.) Il ajoute que, pour être citoyen de l’univers, il ne faut vouloir sa patrie ni plus grande, ni plus petite, ni plus riche, ni plus pauvre ; c’est une suite de la même erreur. Le vrai cosmopolite ne désire pas que sa patrie étende sa domination, parce qu’ainsi elle compromet son propre bonheur ; mais il désire qu’elle devienne plus riche ; car la prospérité de son pays est favorable à tous les autres.