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DE LA PRODUCTION DES RICHESSES.

ainsi, prouverait qu’il s’attache aux apparences, et ne pénètre pas le fond des choses. En effet, un prêtre va chez un marchand pour y acheter une étole ou un surplis. La valeur qu’il y porte est sous la forme d’une somme d’argent : de qui la tient-il ? D’un percepteur qui l’avait levée sur un contribuable. De qui le contribuable la tenait-il ? Elle avait été produite par lui. C’est cette valeur produite, échangée d’abord contre des écus, puis donnée à un prêtre, qui a permis à celui-ci d’aller faire son achat. Le prêtre a été substitué au producteur ; et le producteur, sans cela, aurait pu acheter pour lui-même, avec la valeur de son produit, non pas une étole ou un surplis, mais tout autre produit plus utile. La consommation qui a été faite du produit appelé surplis, a eu lieu aux dépens d’une autre consommation. De toute manière, l’achat d’un produit ne peut être fait qu’avec la valeur d’un autre[1].

La première conséquence qu’on peut tirer de cette importante vérité, c’est que, dans tout état, plus les producteurs sont nombreux et les productions multipliées, et plus les débouchés sont faciles, variés et vastes.

Dans les lieux qui produisent beaucoup, se crée la substance avec laquelle seule on achète : je veux dire la valeur. L’argent ne remplit qu’un office passager dans ce double échange ; et, les échanges terminés, il se trouve toujours qu’on a payé des produits avec des produits.

Il est bon de remarquer qu’un produit terminé offre, dès cet instant, un débouché à d’autres produits pour tout le montant de sa valeur. En effet, lorsque le dernier producteur a terminé un produit, son plus grand

  1. Le capitaliste qui dépense l’intérêt qu’il retire de ses capitaux, dépense sa part des produits auxquels ses capitaux ont concouru. Le livre II développe les lois suivant lesquelles il prend part aux produits ; et lorsqu’il dissipe le fonds de ses capitaux eux-mêmes, ce sont toujours des produits qu’il dépense, puisque ses capitaux ne sont eux-mêmes que des produits, à la vérité réservés pour une consommation reproductive, mais très-susceptibles d’être dépensés improductivement, comme ils le sont toutes les fois qu’on les dissipe.

    Lorsqu’on divise une nation en producteurs et en consommateurs, on fait la plus sotte des distinctions. Tout le monde, sans exception, consomme. À très-peu d’exceptions près, tout le monde produit du plus au moins, les uns par leurs travaux personnels, les autres par les travaux de leurs capitaux ou de leurs terres ; et il serait à désirer qu’on produisit encore plus généralement et plus activement ; alors on consommerait moins souvent, au lieu de ses propres produits, le fruit des labeurs des autres, qui auraient eux-mêmes à dépenser les valeurs dont on ne les priverait pas.