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LIVRE PREMIER. — CHAPITRE XIV.

bois, dans une contrée un peu étendue, s’élèverait à des valeurs considérables.

Les arbres ont cet avantage que leur production est due presque entièrement au travail de la nature, celui de l’homme se bornant à l’acte de la plantation. Mais planter ne suffit pas : il faut n’être pas tourmenté du désir d’abattre. Alors cette tige, maigre et frêle dans l’origine, se nourrit peu à peu des sucs précieux de la terre et de l’atmosphère ; sans que l’agriculture s’en mêle, son tronc s’enfle et se durcit, sa taille s’élève, ses vastes rameaux se balancent dans l’air. L’arbre ne demande à l’homme que d’en être oublié pendant quelques années ; et pour récompense (lors même qu’il ne donne pas de récoltes annuelles), parvenu à l’âge de la force, il livre à la charpente, à la menuiserie, au charronnage, à nos foyers, le trésor de son bois.

De tout temps, la plantation et le respect des arbres ont été fortement recommandés par les meilleurs esprits. L’historien de Cyrus met au nombre des titres de gloire de ce prince, d’avoir planté toute l’Asie-Mineure. En certains pays, quand un cultivateur se voit père d’une fille, il plante un petit bois qui grandit avec l’enfant, et fournit sa dot au moment où elle se marie. Sully, qui avait tant de vues économiques, a planté, dans presque toutes les provinces de France, un très-grand nombre d’arbres : j’en ai vu plusieurs auxquels la vénération publique attachait encore son nom, et ils me rappelaient ce mot d’Addison, qui, chaque fois qu’il voyait une plantation, s’écriait : un homme utile a passé par-là.

Jusqu’ici, nous nous sommes occupés des agens essentiels de la production, des agens sans lesquels l’homme n’aurait d’autres moyens d’exister et de jouir que ceux que lui offre spontanément la nature, et qui sont bien rares et bien peu variés. Après avoir exposé la manière dont ces agens, chacun en ce qui les concerne, et tous réunis, concourent à la production, nous avons repris l’examen de l’action de chacun d’eux en particulier, pour en acquérir une connaissance plus complète. Nous allons examiner maintenant les causes accidentelles et étrangères à la production, qui favorisent ou contrarient l’action des agens productifs.

CHAPITRE XIV.

Du droit de propriété.

Le philosophe spéculatif peut s’occuper à chercher les vrais fondemens