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LIVRE PREMIER. — CHAPITRE XIII.

ou de les tenir de quelqu’un qui les a accumulés. Ainsi je renvoie, à ce sujet, au chapitre XI, où j’ai traité de l’accumulation des capitaux.

Un édifice public, un pont, une grande route, sont des revenus épargnés, accumulés, formant un capital dont la rente est un produit immatériel consommé par le public. Si la construction d’un pont ou d’une route, jointe à l’acquisition du fonds de terre sur lequel s’est faite cette construction, a coûté un million, le paiement de l’usage que le public en fait chaque année peut être évalué cinquante mille francs[1].

Il y a des produits immatériels auxquels un fonds de terre a la principale part. Telle est la jouissance qu’on retire d’un parc, d’un jardin d’agrément. Cette jouissance est le fruit d’un service journalier rendu par le jardin d’agrément, et qui se consomme à mesure qu’il est produit.

On voit qu’il ne faut pas confondre un terrain productif d’agrément avec des terres absolument improductives, des terres en friche. Nouvelle analogie qui se trouve entre les fonds de terre et les capitaux, puisqu’on vient de voir que, parmi ceux-ci, il s’en trouve qui sont de même productifs de produits immatériels, et d’autres qui sont absolument inactifs.

Dans les jardins et les parcs d’agrément, il y a toujours quelque dépense faite en embellissement. Dans ce cas, il y a un capital réuni au fonds de terre pour donner un produit immatériel.

Il y a des parcs d’agrément qui produisent en même temps des bois et des pâturages. Ceux-là donnent des produits de l’un et de l’autre genre. Les anciens jardins français ne donnaient aucun produit matériel. Les jardins modernes sont un peu plus profitables ; ils le seraient davantage, si les produits du potager et ceux du verger s’y montraient un peu plus souvent. Sans doute ce serait être trop sévère que de reprocher à un propriétaire aisé les portions de son héritage qu’il consacre au pur agrément. Les doux momens qu’il y passe entouré de sa famille, le salutaire

  1. S’il y a, en outre, pour mille francs d’entretien annuel, la consommation que le public fait de cette construction peut alors être évalué cinquante-un mille francs par an. Il faut nécessairement calculer ainsi, lorsqu’on veut comparer le profit que retirent les contribuables par l’usage, avec les sacrifices qu’on a exigés d’eux. Cet usage, qui coûte ici, par supposition, cinquante-un mille francs, est un bon marché pour le public, s’il lui procure annuellement, sur ses frais de production, une épargne qui excède cette somme, ou, ce qui revient au même, une augmentation de produits. Dans le cas contraire, c’est un mauvais marché que l’administration a fait faire au public.