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DE LA PRODUCTION DES RICHESSES.

son fût exécutée, il a fallu que l’art du compositeur et celui du musicien exécutant fussent des arts professés et connus, de même que les méthodes convenables pour les acquérir : voilà le résultat des travaux scientifiques. L’application de cet art, de ces méthodes, a été faite par le compositeur et le musicien, qui ont jugé, l’un en composant son air, l’autre en l’exécutant, qu’il en pouvait résulter un plaisir auquel les hommes attacheraient un prix quelconque. Enfin l’exécution offre la dernière des opérations de l’industrie.

Il est cependant des productions immatérielles où les deux premières opérations jouent un si petit rôle, qu’on peut n’en tenir aucun compte. Tel est le service d’un domestique. La science du service est rien ou peu de chose ; et l’application des talens du serviteur étant faite par celui qui l’emploie, il ne reste guère au serviteur que l’exécution servile, qui est la moins relevée des opérations de l’industrie.

Par une conséquence nécessaire, dans ce genre d’industrie, et dans quelques autres dont on trouve des exemples dans les dernières classes de la société, comme dans l’industrie des portefaix, des courtisanes, etc., l’apprentissage se réduisant à rien, les produits peuvent être regardés non-seulement comme les fruits d’une industrie très-grossière, mais encore comme des productions où les capitaux n’ont aucune part ; car je ne pense pas que les avances nécessaires pour élever la personne industrieuse depuis sa première enfance jusqu’au moment où elle se tire d’affaire elle-même, doivent être regardées comme un capital dont les profits qu’elle fait ensuite paient les intérêts. J’en dirai les raisons en parlant des salaires[1].

Les plaisirs dont on jouit au prix d’un travail quelconque sont des produits immatériels consommés, au moment de leur production, par la personne même qui les a créés. Tels sont les plaisirs que procurent les arts qu’on ne cultive que pour son agrément. Si j’apprends la musique, je consacre à cette étude un petit capital, une portion de mon temps et quelque travail ; c’est au prix de toutes ces choses que je goûte le plaisir de chanter un air nouveau ou de faire ma partie dans un concert.

  1. Les salaires du simple manouvrier se bornent à ce qui lui est nécessaire pour vivre, à ce qui est nécessaire pour que son travail se continue et se renouvelle, il ne reste rien pour l’intérêt d’aucun capital ; mais, dans l’entretien du simple manouvrier, se trouve compris celui de ses enfans, jusqu’à l’âge où ils gagnent leur vie. Sans cela le travail des manouvriers ne suffirait pas pour entretenir leur classe.