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DE LA PRODUCTION DES RICHESSES.

Je ne nie pas au surplus qu’on n’ait, à beaucoup d’égards, perfectionné l’art d’épargner comme l’art de produire. On n’aime pas à se procurer moins de jouissances qu’autrefois ; mais il y en a plusieurs qu’on sait se procurer à moins de frais. Quoi de plus joli, par exemple, que les papiers-tentures qui ornent les murs de nos appartemens ? La grâce des dessins y reçoit un nouveau lustre de la fraîcheur des nuances. Autrefois on n’avait chez les classes de la société qui font maintenant usage de papiers peints, que des murs blanchis ou des tapisseries en points de Hongrie fort laides, et d’un prix supérieur à la plupart de nos tentures actuelles.

Dans ces dernières années, on est parvenu, en détruisant par l’acide sulfurique la partie mucilagineuse des huiles végétales, à pouvoir les brûler dans les lampes à double courant d’air, qu’on ne pouvait, avant cette découverte, alimenter qu’avec de l’huile de poisson, qui coûte deux ou trois fois autant. Cette seule économie a mis en France ce bel éclairage à la portée de presque toutes les fortunes[1].

Cet art d’épargner est dû aux progrès de l’industrie qui, d’une part, a découvert un grand nombre de procédés économiques, et qui, de l’autre, a partout sollicité des capitaux et offert aux capitalistes, petits et grands, de meilleures conditions et des chances plus sûres[2]. Dans les temps où il n’y avait encore que peu d’industrie, un capital, ne portant aucun profit, n’était presque jamais qu’un trésor enfermé dans un coffre-fort ou caché dans la terre, et qui se conservait pour le moment du besoin ; que ce trésor fût considérable ou non, il ne donnait pas un profit plus ou moins grand, puisqu’il n’en donnait aucun ; ce n’était autre chose qu’une

  1. Il est à craindre que l’impôt ne parvienne à détruire l’effet, si favorable au consommateur, de ces perfectionnemens. L’extension des droits réunis, l’augmentation des patentes, les difficultés et les impôts qui gênent les transports, ont déjà rapproché le prix de ces huiles économiques de celui des huiles qu’on avait si heureusement remplacées.
  2. Je n’ai pas besoin de faire remarquer que, dans quelques mains que s’accumulent les capitaux, les avantages qu’en retirent l’industrie et la nation sont les mêmes, pourvu qu’ils s’accumulent dans des mains qui les fassent valoir et les mettent ainsi dans la classe des capitaux productifs. Le placement à intérêt suffit pour garantir qu’ils sont dans cette classe ; car nul ne pourrait long-temps payer l’intérêt d’un capital, s’il ne l’avait mis sous une forme productive pour le faire travailler, sauf pourtant les gouvernemens, qui, pouvant puiser dans la bourse des contribuables de quoi payer les intérêts de leurs emprunts, ne sont pas tenus de produire cette valeur.