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LIVRE PREMIER. — CHAPITRE XI.

Mais continuons toutes les suppositions possibles relativement à l’emploi des mille écus.

Par une nouvelle supposition, ils n’ont pas été enfouis ; le cultivateur s’en est servi pour donner une très-belle fête. Cette valeur a été détruite dans une soirée ; un festin magnifique, les ornemens d’un bal, et un feu d’artifice, ont absorbé la somme. Cette valeur, ainsi détruite, n’est point restée dans la société ; elle n’a plus continué à faire partie de la richesse générale ; car les personnes entre les mains de qui les mille écus en espèces ont passé, ont fourni une valeur équivalente en viandes, en vins, en rafraîchissemens, en poudre, et de toute cette valeur il ne reste rien ; mais la masse des capitaux n’a pas été diminuée par cet emploi plus que par le précédent. Il y avait eu un excédant de valeur produite, cet excédant a été détruit. Les choses sont restées au même point.

Par une troisième supposition, les mille écus ont servi à acheter des meubles, du linge, de l’argenterie. Point encore de diminution dans le capital productif de la nation ; mais aussi point d’accroissement. Il n’y a de plus, dans cette supposition, que les jouissances additionnelles que procure au cultivateur et à sa famille le supplément de mobiliers qu’ils ont acquis.

Enfin, par une quatrième supposition, qui est la dernière, le cultivateur ajoute à son capital productif les mille écus qu’il a épargnés, c’est-à-dire les réemploie productivement selon les besoins de sa ferme ; il achète quelques bestiaux, nourrit un plus grand nombre d’ouvriers, et il en résulte, au bout de l’année, un produit qui a conservé ou rétabli avec profit l’entière valeur des mille écus, de manière qu’ils peuvent servir l’année suivante, et perpétuellement, à donner chaque année un nouveau produit.

C’est alors, et seulement alors, que le capital productif de la société est véritablement augmenté de la valeur de cette somme. L’accumulation qui forme un nouveau capital, ne commence qu’après que l’ancien capital est complètement rétabli.

Il est bien essentiel qu’on remarque que, de manière ou d’autre, soit qu’on dépense improductivement une épargne, soit qu’on la dépense productivement, elle est toujours dépensée et consommée ; et ceci détruit une opinion bien fausse, quoique bien généralement répandue, c’est que l’épargne nuit à la consommation. Toute épargne, pourvu qu’on en fasse l’objet d’un placement, ne diminue en rien la consommation, et, au contraire, elle donne lieu à une consommation qui se reproduit et se renouvelle à perpétuité, tandis qu’une consommation improductive ne se