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de production. Dans les deux cas la richesse de la nation est augmentée.

Comment se peut-il que la valeur des choses soit la mesure de la quantité de richesse qui est en elles, et en même temps que la richesse d’une nation soit d’autant plus grande que les produits y ont moins de valeur?

Pour résoudre cette difficulté, l’une des plus grandes que présente l’étude de l’économie politique, il faut se pénétrer de cette vérité que toute valeur est relative ; que la valeur d’une chose ne peut baisser sans relever la valeur de la chose avec laquelle on l’achète. Or, avec quoi achetons-nous les produits qui satisfont nos besoins et nos goûts ? Avec nos fonds productifs ou, si l’on veut, avec les profits qui en émanent et qui composent nos revenus. Par conséquent, moins est grande la valeur des produits, et plus est grande la valeur de nos fonds et de nos revenus. Or, c’est là ce qui constitue la richesse des particuliers et des nations, ce qui leur procure de quoi consommer davantage et satisfaire un plus grand nombre de besoins. Les produits déjà existans ne sont que des approvisionnemens qui ne diminuent pas la somme de nos jouissances en baissant de prix.

Le comble de la richesse serait de pouvoir se procurer pour rien tout ce qu’on voudrait avoir, comme il arriverait si nos besoins pouvaient tous être satisfaits par des richesses naturelles.

On serait, au contraire, au comble de la pauvreté, si la valeur des choses dont on a besoin, excédait celle des revenus dont on peut disposer[1].

  1. Ces deux suppositions gratuites n’ont pour but que de faire entendre le raisonnement. Au reste, si les deux suppositions sont inadmissibles prises dans leur généralité, elles se réalisent partiellement dans la baisse que les progrès de l’industrie occasionnent dans la valeur de certains produits, et dans la hausse qu’ils éprouvent dans d’autres cas. Dans le voisinage de certaines mines de bouille, les débris de ce combustible tombent de valeur, au point que, pour en avoir, il ne faut souvent que prendre la peine de les ramasser. Tout le monde, dans ces endroits-là, est assez riche pour en consommer. Dans d’autres endroits, comme sur un navire en mer, la valeur d’un verre d’eau peut excéder les facultés des plus riches passagers, qui, dès-lors, deviennent pauvres par la valeur où l’eau est montée.