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on produit peu d’objets de luxe. Vous dites que le luxe fait vivre des ouvriers : oui ; mais comment les fait-il vivre ? Avez-vous visité la ville de France que le luxe faisait le plus travailler, Lyon ? Avez-vous vu, dans le temps où l’ouvrage allait le mieux, ces misérables ouvriers, hâves, maigres, déguenillés, entassés dans des maisons à huit étages, pêle-mêle avec leurs femmes, leurs enfans, leurs métiers, leurs parens malades ? Si au lieu de faire des brocards d’or, ils avaient fabriqué de bons draps, ils auraient eu de bons habits. On en peut dire autant du mâçon, du charpentier, du cultivateur ; ce n’est que dans un pays où il n’y a pas de luxe, ou très-peu, qu’on voit tout le monde bien vêtu, bien logé, bien nourri, et content.

Un gouvernement qui veut enrichir et moraliser une nation, doit donc éviter d’offrir des objets de luxe à la vénération des peuples, et sur-tout de laisser croire qu’il en a besoin pour être considéré. Un tel gouvernement n’admettra, pour signes de l’autorité, ni les dorures, ni les velours, ni les dentelles, ni les broderies ; les consuls à Rome n’étaient remarquables que par la couleur de leur robe et par les faisceaux qui les précédaient ; et les tribuns, dont le pouvoir était si respecté que les empereurs eux-mêmes furent jaloux, trois siècles durant, de s’en revêtir, n’étaient distingués par aucune marque extérieure.