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La seconde constitution domaniale des finances fut celle des Hébreux : elle était à partage de fruits onde produits bruts. Leur clergé fut plus habile, plus avide, on serait tenté de dire plus juif que celui des Égyptiens. Il ne formait que le douzième de la nation, et se fit donner le dixième des récoltes ; mais, ce qui fut plus excessif, il se fit donner le dixième de toutes les récoltes de fruits et d’animaux, exempt de frais de culture. Les prêtres égyptiens avaient payé ceux de la culture de leurs terres. Moïse et son frère Aaron affectèrent le désintéressement en renonçant, pour leur tribu, à prendre part dans le territoire du pays conquis, et n’en demandant qu’une dans les fruits. Il n’est point étonnant que la nation, éblouie par le plaisir de posséder les champs, les jardins, les maisons, y ait été trompée, et n’ait pas su discerner, dans les récoltes, le remboursement des dépenses productives d’avec le produit net, puisque vers la fin de ce qu’on appelle le grand règne, il y a environ cent ans, notre bon et sage Vauhan n’en avait encore aucune idée. En passant, un petit salut au médecin Quesnay, mon cher Say[1].

  1. L’ignorance sur ce point a été si prolongée, que trente ans après Vauban, un ministre bien intentionné, faisant rédiger une nouvelle instruction pour la perception des vingtièmes, et sentant confusément que le vingtième du revenu net ne devait pas être tout-à-fait égal à celui du produit brut, ordonna d’en retrancher les frais de moisson et de battage. — Il avait été a la campagne ; il avait vu battre du blé et payer des moissonneurs. Son âme était très-équitable. Son esprit n’était que de très-peu plus éclairé que les autres esprits de la France et de l’Europe. On comptait les dépenses du labourage pour zéro ; l’achat des chevaux, des charrues, des charrettes et des autres instrumens pour zéro ; l’épandage du fumier pour zéro ; le paiement et la nourriture des domestiques et des ouvriers pendant un an, et plus d’un an, car la récolte en grange n’est pas encore vendue, pour zéro. Un second salut à Quesnay, je vous prie. Note de Dupont (de Nemours).