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Il faut, j’en suis d’accord, des dévotes aux prêtres,
Des dupes aux fripons, des esclaves aux maîtres ;
Mais des maîtres, enfin, des prêtres, des fripons,
En faut-il ? Si les loups ont besoin des moutons,
Sans phébus de collège et sans phrases subtiles,
Demandez aux moutons si les loups sont utiles ?
Au Castillan vaincu s’il veut des conquérans ?
À tout peuple opprimé s’il lui faut des tyrans ?
Or, entre les tyrans, connaissez-vous le pire ?
C’est l’erreur. Elle seule a fondé tout empire,
Tout, depuis les tréteaux où l’humble charlatan,
Aux badauds, pour deux sous, vend son orviétan,
Jusqu’au trône où Philippe, en soumettant les ondes,
Sans sortir de Madrid, régnait sur les deux mondes ;
Et depuis la banquette où Lise, le matin,
Dit son Confiteor aux pieds d’un Bernardin,
Jusqu’au siège où, couvert de la triple tiare,
Hildebrand gouvernait l’Europe encor barbare,
Aux peuples en révolte accordait son appui,
Ou permettait aux rois d’être tyrans sous lui.


Ici le poète se demande s’il faut aussi proscrire ces erreurs aimables, fruit d’une vive imagination, et dont s’alimentent les beaux-arts. Non, sans doute ; mais il faut les donner pour ce qu’elles sont, pour des fables.


Oui, l’austère sagesse
Aime et sait expliquer ces fables de la Grèce,
Mensonges instructifs, symboles enchanteurs,
Qui sont des fictions et non pas des erreurs.
Le blé n’attendit point Cérès et Triptolème ;
Mais au travail de l’homme il s’offrit de lui-même ;