Page:Say - Cours complet d'économie politique pratique.djvu/72

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

doit-on pas trouver sur la chaleur, par exemple, des vérités et des faits qui sont connus de nos cuisinières ? On sait beaucoup de vérités dès l’enfance, sans avoir cherché ni d’où elles viennent, ni les conséquences qu’on en peut déduire. N’y a-t-il pas quelque avantage pour le lecteur à pouvoir les classer, et même quand il a d’avance une opinion exacte, ne lui convient-il pas de pouvoir dire pourquoi il a cette opinion ? D’Alembert l’avait aussi remarqué de son côté : « Le vrai qui semble se montrer de toutes parts aux hommes, dit-il, ne les frappe guère, à moins qu’ils n’en soient avertis[1]. » D’ailleurs la vérité qui court les rues dans un endroit, est ignorée un peu plus loin.

Je suis en état de prouver que les plus grandes erreurs qui aient été professées en économie politique, depuis les premières années du dix-septième siècle, époque où l’on a commencé à s’en occuper, jusqu’à nos jours, viennent toutes de l’ignorance où leurs auteurs ont été de l’un ou de l’autre des principes les plus élémentaires de la science. J’espère donc qu’on ne me reprochera pas d’y avoir donné quelque attention ; j’ose promettre à ceux pour qui ces notions élémentaires seront devenues familières, qu’ils ne rencontreront plus aucune difficulté grave dans cette étude, et qu’ils arriveront, sans s’en apercevoir, aux plus hautes démonstrations. Les questions ne deviennent épineuses que pour les esprits qui n’ont pas bien conçu les principes fondamentaux ; ou qui les ayant compris, et ayant ensuite oublié les démonstrations par lesquelles ils avaient été convaincus, ont repris le cours de leurs anciennes opinions.

Souvent les principes ne sont pas bien saisis parce que le lecteur ne veut pas attacher aux expressions le sens que l’auteur y attache. L’embarras des auteurs à cet égard, est extrême. Si, pour être compris, ils emploient des termes connus, ou ces mots sont insuffisans pour exprimer des idées nouvelles, ou ils apportent au lecteur des notions fausses[2] ; s’ils veulent créer des termes analogues aux nouveaux progrès de leurs idées, on les accuse de néologisme. Ils avancent entre la crainte d’être mal

  1. Discours préliminaire de l’Encyclopédie.
  2. Par exemple, après qu’il a été prouvé qu’un capital se compose de beaucoup d’autres choses que d’une somme d’argent, ceux qui se bornent à y voir une somme d’argent, ne peuvent entendre en quoi consiste l’augmentation des capitaux, qui peut avoir lieu dans un pays en même temps que l’argent y devient plus rare. Voyez la 1re partie de cet ouvrage, chap. 10, 11, 12 et 13.