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caractère précis. Elles éliminent absolument l’idée d’échange qui nous avait choqué précédemment. L’impôt, disent-elles simplement, a pour objet de pourvoir aux dépenses publiques. Que sont, ou que doivent être ces dépenses publiques ? Une autre définition le dira. Ici, il ne s’agit que de l’impôt exclusivement.

Cependant, avant d’arrêter notre choix, il semble utile de préciser encore quelques expressions.

Impôt et contribution sont deux mots trop synonymes pour se définir mutuellement : on ne saurait donc dire que l’impôt est une contribution. Sans doute, en 1789, on prétendit que « l’impôt était le terme favori et chéri du despotisme ; tandis que celui contribution appartient à une société libre ». La Déclaration des droits de l’homme, en conséquence, répudia solennellement le terme d’impôt 1 . Mais ces pompeuses distinctions n’ont plus cours aujourd’hui.

Le mot « charge » semble devoir, autant que possible, être évité comme représentant une idée de souffrance, de pénalité, dont, au premier abord, l’impôt ne peut être gratifié.

En parlant de « quote part » on suppose, à tort, comme nous le dirons plus loin, une répartition universelle sans aucune exception. Il faut aussi rayer le mot « citoyen », car l’impôt peut être prélevé sur les étrangers aussi bien que sur les citoyens indigènes. Les budgets de la plupart de nos colonies en fournissent l’exemple, et des projets actuels voudraient créer en France un impôt sur les étrangers.

Les expressions «■ fortune, richesse, revenu » , sont incomplètes à elles seules , puisque l’impôt atteint souvent le travail et la personne de l’homme. L’expression de « facultés » est plus exacte.

. Son véritable caractère : formule définitive. On voit combien toute définition considérée d’un peu près côtoie d’obscurités ou d’erreurs. En ébranchant donc les dernières formules, d’après les observations précédentes, on arrive à les refondre dans la formule suivante :

«L’impôt est un prélèvement opéré sur les facultés individuelles des contribuables, pour subvenir aux dépenses des services publics ».

Une fois la nature même de l’impôt ainsi . « La plus salutaire des institutions sociales, c’est le revenu public : car il faudra désormais bannir le mot d’impôt qui présente l’idée d’une autorité supérieure à la nation elle-même. » (Rapport de du Pont de Nemours sur les moyens de remplacer la gabelle, 14 août 1700.)

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spécifiée, nous pouvons aborder l’étude as ses qualités.

II. QUALITÉS DE L’IMPOT.

5. Maximes d’Adam Smith.

Les qualités essentielles de l’impôt ont été déterminées, à la fin du siècle dernier, d’un® manière à peu près irrévocable, par les quatre maximes d’Adam Smith. En dépit des idées nouvelles et des auteurs nouveaux, ces quatre maximes demeurent toujours les premières citées. Elles ne sont douées cependant d’aucune vertu mystérieuse ou extraordinaire ; elles n’ont pas l’atlrait d’une découverte. Au contraire, leur donnée parait ; aussi élémentaire, aussi primitive que possible. « Le bon sens seul les a dictées, >♦ dît Proudhon, lequel ajoute aussitôt qu’ « on ne saurait y voir que les premiers bégayemeais de la science ». Cette appréciation subsidiaire manque de fondements. Si les maximes d’Adam Smith n’ont, en effet, rien de quiatessencié, elle possèdent, au moins, le mérite supérieur d’être indiscutables et universellement intelligibles. Il appartient aux graa<£$ hommes de propager ainsi les idées simples en leur conférant assez d’autorité pour les transformer en axiomes.

Les maximes d’Adam Smith occupent dôme légitimement, à titre d’axiomes, la place prééminente qui leur est partout accordée* . Première règle de justice : la justice ne insiste pas à faire payer tout le monde ; -lie réside dans la proportionnalité. La première de ces maximes demande à l’impôt la qualité de justice. Le mot, évidemment, a besoin de commentaires ; car, à lui seul, il réunirait trop aisément l’unanimité des suffrages. En quoi consiste la justice dans l’impôt ? Est-ce à faire payer tout le monde ? Si l’on considérait seulement les privilèges dont les membres de la noblesse et du clergé jouissaient sous l’ancien régime, on pourrait, sans hésitation, affirmer que la justice consiste bien à faire payer tout le monde, sans exception. Mais, à l’autre extrémité sociale, apparaît une nouvelle classe de citoyens que l’impôt ne saurait frapper sans injustice ; ce sont les pauvres, les déshérités ; à leur égard le fisc perd ses droits.

Nous verrons même que beaucoup d’États modernes, jugeant que la justice commande d’aller plus loin encore, ont dégrevé, uoe seulement les indigents, mais aussi les possesseurs de faibles revenus, comme le fonfc l’incûme-tax en Angleterre, l’impôt des classes en Prusse, etc.

Du moment que la justice ne’ réside pas dans Vidée aveugle de faire payer tout ï*