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millions. Il put, dès lors, en toute sécurité, se livrer à l’étude ; la lecture des œuvres d’Adam Smith le détermina à laisser de côté les sciences mathématiques et physiques qu’il avait un instant cultivées, pour se consacrer uniquement à l’économie politique.

Ses premiers écrits obtinrent un retentissement considérable. Aussi, lorsqu’en 1819 il alla siéger à la Chambre des communes, y occupa-t-il de suite une place distinguée et sa parole autorisée fut-elle toujours d’un grand poids dans les discussions économiques et financières.

Il mourut à cinquante ans, regretté des amis illustres qu’il avait su s’attacher : Mill, Malthus, Jean-Baptiste Say, etc.

Les œuvres de Ricardo sont peu nombreuses. Ce hardi penseur n’aimait guère écrire. « Quoique fermement convaincu de la vérité de ses doctrines, nous dit Stuart Mill, il se croyait si peu capable de les exposer et de les développer, qu’il reculait devant toute idée de publicité. »

Son œuvre se compose de petits traités sur diverses questions économiques et d’un ouvrage important : les Principes de l’économie politique et de l’impôt.

La plus grande partie de ces dissertations est consacrée à des questions financières et monétaires.

Dans le premier de ces traités, le Haut Prix du Lingot est une preuve de la dépréciation des billets de banque (1809), Ricardo reprit une thèse qu’il avait déjà soutenue dans une lettre adressée au Morning Chronicle, et il démontra, au moment où l’Angleterre traversait une crise financière des plus graves, les inconvénients résultant des émissions exagérées du papier-monnaie. Cette brochure, révélant les causes véritables de la baisse du change anglais et de la dépréciation des billets de banque, fit sensation. Malthus y consacra un article dans l’Edinburgh Review ; des hommes d’État considérables déclarèrent l’ouvrage excellent et de tous points exact ; enfin, une commission parlementaire fut chargée d’étudier la question. Le rapporteur, M. Borner, se rangea du côté de ceux qui partageaient l’avis de Ricardo. Les contradicteurs ne tardèrent pourtant pas à se faire entendre. Ricardo ne voulant pas laisser sans réponses les objections que l’un de ses adversaires, M. Bosanquet, avait formulées, écrivit la Réplique aux observations de M. Bosanquet sur le rapport du Bullion Committee (1810). (Sur ce Rapport, V. Enquêtes financières.)

En 1816, paraissaient les Propositions pour une circulation monétaire économique et sûre. Dans cet ouvrage, Ricardo proposait la création d’un papier-monnaie remboursable non pas en or monnayé mais en lingots d’or. C’était selon lui le moyen d’empêcher les banques de faire des émissions trop fréquentes ou exagérées ; les clients, d’autre part, touchant des lingots et non pas de la monnaie d’or, ne pouvaient mettre l’existence de la banque en péril, en réclamant le payement à tout propos.

Ricardo s’efforça aussi de montrer quels étaient, selon lui, les dangers de l’organisation des fonds d’amortissement dans ses Essais sur le système de dettes consolidées, et sur l’amortissement (1819).

Il achevait le Plan d’une banque nationale, lorsque la mort vint le surprendre (1823).

L’attention de Ricardo ne se porta pas uniquement sur les questions financières et monétaires. Dans son Essai sur l’influence du prix des blés sur les profits du capital, il engageait l’Angleterre, alors protectionniste, à pratiquer la liberté commerciale et, pour l’y décider, il montrait les avantages qu’elle pouvait en retirer. Mais dans cet ouvrage, comme l’a fait judicieusement remarquer un de ses commentateurs, « il n’aperçoit pas complètement les bienfaits de la liberté commerciale ; car, dominé par ses idées sur le salaire, il pense que l’abaissement du prix des blés entraîne nécessairement un recul proportionnel du prix de la main-d’œuvre[1] ».

Il reprit plus tard les mêmes idées dans son traité De la protection accordée à l’agriculture.

Toutes ces œuvres, malgré leur grande valeur, ont été éclipsées par le Traité de l’économie politique et de l’impôt (1817). C’est là l’œuvre capitale de Ricardo, celle qui fera vivre son nom comme celui de l’un des plus grands économistes.

Dans ce livre, l’un des plus beaux qui soient consacrés à la science économique, Ricardo, tout en étudiant spécialement la distribution de la richesse, examine les questions les plus importantes de l’économie politique.

Les sept sections du premier chapitre sont consacrées à une étude magistrale de la valeur (voy. ce mot), à la distinction du prix naturel et du prix courant (V. Prix), résultat des offres et des demandes. Il montre comment la hausse des salaires produit la baisse dans le taux des profits, mais comment les variations dans le taux des salaires sont sans influence sur les prix.

Examinant la situation des propriétaires fonciers, il pense qu’ils sont dans une situation exceptionnelle, car presque toutes les terres fournissent une rente, c’est-à-dire un

  1. Ricardo, Petite bibliothèque économique. Introduction par M. Paul Beauregard. Paris, Guillaumin.